L'insolite et rare Courlis cendré

C'est un des seuls limicoles nichant en Lorraine. Et pas des moindres. C'est le plus grand et le plus typique de cet ordre d'oiseaux très curieux dont une vingtaine


d'espèces sont régulièrement de passage dans notre région au cours de leur migration printanière et automnale.


La fin de l'été et l'automne constitue la meilleure période pour pouvoir observer les Courlis cendrés. Un certain nombre de ces oiseaux venus de l'Est et du Nord de l'Europe viennent toutes les années séjourner plus ou moins longtemps dans notre région et augmenter sensiblement la population proprement lorraine. Le nombre des couples qui nichent dans nos quatre départements ne se situe qu'entre 120-150. C'est trop peu pour voir couramment cet oiseau pourtant remarquable.


Haut sur pattes, sa longueur atteint 48-57 cm et son envergure, ailes déployées, de 90 à 110cm. Encore plus frappant est son bec insolite. Long de 9 à 17 cm, il est mince et très arqué. On ne peut donc confondre cette espèce qu'avec son cousin le Courlis courlieu, très rare, très passager et très irrégulier dans notre région.


En dépit de sa taille, le Courlis cendré, grâce à sa robe tachetée et rayée de gris-brun, est très mimétique et passe donc facilement inaperçu au sol où il se tient. Le plus souvent sa présence se remarque d'abord par son chant, spécifique comme chez tous les oiseaux, mais en l'occurrence facile à reconnaître.. C'est un sifflement un peu mélancolique, sonore, flûté et montant : kuu-li complétés par quelques variations très proches.


Rares, ces oiseaux sont de plus très localisés Chez nous, ils sont liés aux plaines alluviales offrant de grands espaces humides et découverts. Lorsqu'ils y nichent, c'est au sol dans la végétation herbacée. C'est un facteur de vulnérabilité, car les nichées y sont plus exposées à la prédation, en particulier des corvidés: corbeaux, corneilles et pies.


En Lorraine, les courlis se reproduisent le long des vallées de la Meuse et de la Seille principalement, mais aussi de la Vezouze et de la Nied.


Dans leur alimentation, ces oiseaux se montrent très éclectiques. Ils happent avec précision une grande variété d'insectes, larves, chenilles, araignées, cloportes, myriapodes, mais aussi des fragments de plantes, des graines et des baies. Dans ces cas, leur long bec leur permet de n'avoir guère à baisser la tête et de pouvoir déceler ainsi sans interruption l'approche d'un danger.


C'est dans les vasières et les sables trempés ou inondés que l'avantage de leur long bec sensible se manifeste sans concurrence pour recueillir la nourriture. C'est particulièrement le cas le long des rivages, estuaires et baies de la Mer du Nord de la Manche et de l'Océan où ils séjournent en grande partie pendant la période inter-nuptiale qui dure de 8 à 9 mois. Ils sont capables de sonder des profondeurs allant jusqu'à 15 cm pour en extraire sans les voir, des vers, crabes, crustacées et mollusques. Ils s'avancent volontiers dans l'eau, mais rarement jusqu'au ventre.


Curieusement, cette espèce ne s'est installée en France, comme hôte permanent, qu'au cours du 19e siècle, en Bretagne et en Alsace. En Lorraine, elle ne s'est établie qu'en 1964. Son avenir dans notre région est précaire à cause de la profonde modification des pratiques agricoles. Les principales menaces sont la régression des zones humides, spécialement des prairies et leur fauche précoce pour l'ensilage qui conduit trop souvent à la destruction des nids avant l'envol des oisillons. En Lorraine et ailleurs à l'intérieur des terres, le maintien de grandes prairies humides, exploitées de façon traditionnelle, est donc essentiel à la préservation de ces fascinants limicoles qui figurent encore sur la liste des oiseaux autorisés à la chasse. Dans leurs principales aires de stationnement inter-nuptiales, à savoir les bords de la mer, la réduction des grandes vasières maritimes compromettrait l'espèce, à l'instar des autres limicoles, à une échelle plus vaste.

Créé le 16/09/2007 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net