Voici un oiseau étonnant et unique parmi les passereaux. De la taille d'une grive ou d'un étourneau, comme eux il sait se percher, trotter à terre et voler, mais d'un vol très rapide et tendu comme une flèche. Il pratique avec maestria la plongée, la nage et la marche sous l'eau. Et ce, qui plus est, dans les eaux rapides, tumultueuses et bouillonnantes des torrents et ruisseaux, son domaine quasi exclusif. Il y évolue toute l'année sans nous quitter, même en hiver par des froids rigoureux.
© Robert HendrickEn Lorraine, cet oiseau est donc naturellement plus vosgien que mosellan. Il est cependant présent en Moselle sur un certain nombre de ruisseaux comme la Mance où le courant est rapide, les rochers émergeant d'une eau limpide. A l'instar de la truite, sa présence est un signe positif de la qualité de l'eau.
Il a le plumage brun chocolat sombre sur la tête et la nuque, le dos gris-ardoisé foncé, le dessous brun noir à brun roux. Le menton, la gorge et la poitrine sont blancs. Son allure est trapue et sa queue courte. En .plus grand, il a la même apparence que le Troglodyte mignon. Comme lui, il est également très mimétique sur les fonds de gravier et de rochers qu'il fréquente, en dépit de son plastron éclatant qui peut être pris pour une boule d'écume ou un scintillement de lumière sur l'eau.
© René DumoulinSes évolutions sont vraiment stupéfiantes. S'il y a un cours d'eau vive où sa présence a été signalée, le mieux est se poster sur un pont d'où on peut éventuellement le voir perché sur un rocher et soigner méticuleusement son plumage. Il ne faut plus le quitter des yeux, car à tout instant il est susceptible de plonger comme une grenouille, disparaissant dans les flots torrentiels pour grimper sur une pierre à quelques mètres en amont ou en aval. Tantôt, il patauge à demi immergé, tantôt il arrête son vol très rapide au ras de l'eau pour se laisser tomber en pivotant, comme une pierre dans l'écume où il peut disparaître jusqu'à une dizaine de secondes.
Comment fait-il pour soutenir de telles prouesses dont les grands oiseaux spécifiquement d'eau, comme les canards, grèbes, cormorans, mouettes etc.. sont incapables ?
© Yvon ToupinIl possède quelques atouts anatomiques de ceux-ci : queues et ailes courtes comme certains et / ou duvet dense, narines et trous auditifs obturables, accommodation de la vue, glande très développée à la base du croupion pour graisser ses plumes qui ne se mouillent jamais. Mais, il est surtout capable de combiner comme aucun autre oiseau, un panel des techniques amphibies qui lui sont propres. L'oiseau atteint le fond en s'aidant des ailes, de la queue et des pattes, non palmées pourtant, puis il marche sur le lit du cours d'eau contre le courant, la tête baissé et la queue relevée. La pression de l'eau vive sur son dos incliné et son dessus devenu convexe fait le reste en le maintenant au sol. Quelques millions d'années avant les ingénieurs des bolides de la formule 1, il a donc « inventé « le becquet arrière. C'est ainsi que sans difficultés, il trouve sa nourriture dans des courants de 40 à 60 cm/seconde de même qu'il est capable de traverser des chutes derrière lesquelles il s'abrite volontiers.
© Robert HendrickCet oiseau est un insectivore qui capture une foule de larves et d'insectes aquatiques, ainsi que des crustacés et des mollusques, des vers et des sangsues. II les happe sous l'eau, en déplaçant des pierres au besoin, à sa surface et sur les berges, dans et sous le gravier. La consommation de frai que quelques pêcheurs lui attribuent, est très contestée et en tout cas, occasionnelle. La longueur de son territoire est fonction de la richesse alimentaire qu'offre le cours d'eau adopté. Dans les torrents coulant longtemps entre les conifères, l'acidité est sensible et par conséquent les. petits invertébrés plus rares. C'est bien le cas d'un certain nombre de torrents vosgiens. Le territoire de reproduction peut atteindre dans ce cas plusieurs km, alors que dans des conditions favorables d'une grande variété végétative des berges et par conséquent des macro-animaux aquatiques, l'étendue revendiquée peut se limiter à un km et moins.
Le principal ennemi du Cincle plongeur est l'homme, comme dans la plupart des cas touchant la faune sauvage. La rectification du lit des torrents par enrochement et bétonnage, la pollution de leurs eaux sont infiniment plus néfastes que les prédateurs et accidents naturels, comme respectivement la musaraigne aquatique et les crus intempestives qui peuvent emporter les nids.