La Chouette effraie

effraie des clochers © Michel Lamarche
Effraie des clochers © Michel Lamarche

La chouette effraie mérite bien son surnom de Dame blanche. Les couleurs très claires dominent sur les parties de sa robe les plus exposées : le masque facial en forme de coeur, le dessous de ses ailes ouvertes, les pattes et le ventre gris blanc à peine piqueté de petites tâches brunâtres. C'est dans cette robe blafarde qu'elle apparaît furtivement comme un fantôme dans la lumière d'un lampadaire ou des phares de nos voitures.


En effet, elle ne sort généralement de son gîte qu'à la tombée de la nuit et à l'aube . En cela, elle s'est adaptée aux moeurs de ses principales proies : campagnols, souris, mulots et musaraignes. S'y ajoutent occasionnellement, rats, chauve-souris, batraciens et oiseaux au repos.


Afin de pouvoir chasser dans l'obscurité, la dame blanche, comme tous les rapaces nocturnes, possède des atouts particuliers : la vue nocturne, une ouïe extrêmement fine et le silence du vol. La position frontale des yeux et la vision binoculaire qui en découle permettent une très bonne appréciation du relief et des distances. Leur anatomie ( forme, taille et richesse de la rétine en bâtonnets ) entraîne une sensibilité à la lumière des dizaines de fois supérieure à la nôtre. Cette acuité est de plus concentrée dans un champ visuel restreint qui est compensé par une mobilité totale de la tête pouvant tourner de 270 ° sans bouger le corps.


Effraie des clochers © John Gould
La Dame Blanche
© John Gould
L'ouïe n'est pas moins perfectionnée et rend la chouette effraie capable de localiser dans la nuit profonde une proie, rien qu'à ses émissions sonores ou aux bruits, les plus faibles, de ses déplacements. La victime est perçue sans entendre elle-même son prédateur dont les battements d'ailes sont silencieux. Cette parfaite discrétion du vol est imputable à des structures particulières des plumes.


Essentiellement crépusculaire, la chasse de cet oiseau, à l'affût et surtout en vol, est rarement observable. Dans sa quête de nourriture, il se déplace pourtant sur plusieurs km à faible hauteur au-dessus de champs, prairies, haies et vergers suivant des itinéraires souvent réguliers, parcourus lentement, ailes souples, et entrecoupés de pirouettes ainsi que de brefs battements sur place lorsqu'une proie est perçue.


Cependant la chouette effraie n'est pas inconnue du public. Fascinante, elle est beaucoup représenté en images, en statuettes et en photos prises à son gîte qui se situe dans les granges et les remises, les combles des vieilles bâtisses et des clochers. Le fait d'apprécier particulièrement ces derniers, lui valent également d'être appelée Effraie des clochers. Il lui faut un coin couvert et tranquille, situé à une bonne hauteur et pourvu d'une entrée dégagée. Ce rapace nocturne, comme aucun autre, a lié son existence à celle de l'homme et de ses édifices.


Effraie des clochers © Pascal Dubois
Effraie des clochers © Pascal Dubois
Autrefois, dans les campagnes, ces paisibles et très utiles « locataires « étaient fréquemment tués par superstition. On les crucifiait sur les portes de granges pour éloigner de prétendus esprits . Aujourd'hui , ils dérangent encore certaines personnes par leurs chuintements sonores, leur plainte aigre en vol et les pelotes de débris inconsommables rejetées dans le gîte après la digestion des proies avalées entières le plus souvent. Dans nos cadres de vie compulsivement nettoyés, ripolinés et aseptisés, un petit coin pas absolument propre, est souvent mal supporté. Les hirondelles des fenêtres sont également victimes, ça et là, de cet excès.


Commune et répandue en Lorraine dans le passé, cette espèce a vu ses effectifs baisser depuis des années. Les vieilles granges agricoles disparaissent ou sont transformées, les ouvertures de clochers sont en grand nombre grillagées contre les pigeons, les rongeurs trop systématiquement éliminés par empoisonnement. La circulation routière fait le reste en tuant beaucoup de ces chouettes volant bas au cours de leur chasse qui les oblige à traverser de nombreuses routes. Occasionnellement, ils peuvent également succomber à un manteau neigeux prolongé. Leur aptitude à accumuler une réserve de graisse est limitée et ne permet pas de supporter un jeûne de plus de neuf jours.


En regard de cette évolution regrettable touchant ce rapace si attachant pour nous et si attaché à nous, les divers groupes de la LPO en Moselle ont décidé une nouvelle campagne de recensement des gîtes existants et d'installation de nichoirs nouveaux en comptant sur l'aide et la bienveillance des propriétaires ou gestionnaires de bâtiments et édifices concernés ou appropriés.

Créé le 22/02/2005 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net