La Pie bavarde... et mal-aimée

Dimitri Crickillon

© Dimitri Crickillon

Malheur à cet oiseau familier qui constitue parmi les nombreux exemples tirés du monde animal, une victime des préjugés néfastes, mais aussi tenaces qu'injustifiés, dont il est l'objet !


La pie en supporte d'autant plus les conséquences qu'elle est bien connue et repérable. Elle fait régulièrement des intrusions dans nos jardins, voire y niche et fréquente les parcs de nos villes. Sa robe de blanc et de noir irisé, sa longue queue et son puissant bec, ne prêtent à aucune confusion. Ses cris rauques et ses jappements sonores la signalent même cachée dans la frondaison des arbres qu'elle aime à fréquenter : peupliers, bouleaux et robiniers principalement.


Accusée de bien des maux, outre qu'elle est communément mal acceptée, elle reste officiellement classée parmi les nuisibles et à ce titre « chassable ». De fait, elle est tirée et piégée à la campagne où l'emploi massif des produits phytosanitaires détruit par ailleurs ses ressources alimentaires (notamment insectes et petits vertébrés) voire l'empoisonne directement. On estime que quelques milliers de pies sont ainsi victimes de persécutions directes et indirectes dans notre région comme ailleurs.


En conséquence, les populations de cette espèce se sont déplacées opportunément des milieux ruraux vers les agglomérations où leur densité peut atteindre 3 à 5 couples au km/2 contre 0,8 à 1,8 à la campagne.


© Jean Charennat
© Jean Charennat
A présent, les pies nidifient majoritairement en zone urbanisée, en bordure de villages et à proximité de bâtiments isolés. Les persécutions y sont plus rares, les milieux moins traités chimiquement et les ressources alimentaires plus abondantes et plus diversifiées.


Contrairement à une opinion commune, la population des pies est globalement en régression.


Aux causes humaines s'ajoutent des facteurs naturels. La Pie bavarde est peu prolifique. Le nombre des oeufs par ponte est de 5,7, mais suite à la prédation qu'exercent principalement les Corneilles noires sur les nids et autres facteurs, comme de mauvaises conditions météorologiques , le nombre de jeunes à l'envol par nid est très réduit.


© Didier Collin
© Didier Collin
Ceux qui tirent et piègent les pies, incriminent leur prédation sur les jeunes du petit gibier, oiseaux et mammifères. Même les amoureux de la nature lui reprochent de piller les nids de passereaux. Pourtant, toutes les études démontrent que la pie se nourrit à 94% d'invertébrés dont 86 % d'insectes. Omnivore, elle enrichit ce menu par des fruits, des graines, des petits rongeurs et divers déchets organiques d'origine humaine. A l'occasion, elle ne dédaigne pas les charognes. Par ailleurs, plusieurs travaux sérieux menés en Angleterre et en Allemagne, montrent qu'il n'y a pas de corrélation entre la densité des petits passereaux et celle de la Pie bavarde. Les pies ne représentent pas une menace réelle pour les effectifs des autres oiseaux.


© Rein Hofman
© Rein Hofman
L'antipathie et à plus forte raison l'hostilité envers les Pies bavardes, n'a donc aucun fondement scientifique. Mais rien n'est plus difficile à faire évoluer que les mentalités, sinon les règlements administratifs qui rangent encore et toujours dans la catégorie des nuisibles cette espèce en déclin.


Sources : chiffres tirés du dernier N° de 2006 de la revue Ciconia, publiant les résultats d'une grande enquête effectuée par la LPO Alsace.

Créé le 08/02/2007 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net