Les étrangers à plumes

Il n'est plus rare de pouvoir observer dans notre région des oiseaux qui n'étaient pas présents en Europe dans le passé. Ce sont des allochtones par opposition à nos espèces autochtones. Echappées en général de captivité à l'origine, elles se sont acclimatées et sont retournées à l'état sauvage en se reproduisant en liberté.


C'est le cas des Bernaches du Canada au même titre que des Ouettes d'Egypte et des Perruches à collier. Originaires d'Amérique du Nord, comme leur nom l'indique, ces bernaches ont été introduites en Angleterre au XII s. comme oiseaux d'agrément, puis au XX s. à titre d'attraction dans les zoos et parcs animaliers d'autres pays.


La robe de la Bernache du Canada, ressemble à celle de notre nord-européenne Bernache nonette qui est bien plus petite et qui hiverne en très grand nombre aux Pays-Bas, mais rarement en Lorraine ; la confusion par des observateurs peu avertis a donc peu de chances de s'y produire. Comme tous les anatidés, ces "émigrés" sont inféodés à l'eau et aux zones humides. Elles ne pâturent donc jamais loin d'une rivière ou d'un étang, quelquefois en compagnie d'autres oies sauvages.


Il y quelques années, l'espèce a été décrétée indésirable en Europe par diverses organisations et instances nationales et internationales. Cette position est partagée par beaucoup d'ornithologues indépendants qui estiment que ces oiseaux intrus n'ont pas leur place dans nos faunes locales. Selon eux, ils risquent de concurrencer, réduire, voire éliminer à terme des populations d'oiseaux aborigènes. Par ailleurs, on reproche à ces bernaches massives, sédentaires et souvent concentrées, de causer toute l'année des dégâts aux cultures. Ce sont des végétariens qui se nourrissent d'une grande variété de plantes, dont celles fourragères, de graines de céréales et de graminées.

Cependant, nombre de passionnés libéraux et inquiets, mais pris pour des gêneurs par les chasseurs et pour des rêveurs par une partie des scientifiques, sont tentés de considérer au contraire que les bernaches, comme d'autres allochtones, enrichissent la diversité de notre avifaune locale en sensible déclin depuis des années. Bien des espèces autochtones sont en régression, voire en cours de disparition : les Grand Tétras, les Butors étoilés, les Pipits spioncelles, les Tariers des prés, les Pies grièches grises, les Cailles des blés etc.

Les acteurs attitrés et autorisés ont in fine raison par définition. C'est ainsi que sous l'égide de l'ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune sauvage) 50 Bernaches du Canada ont été tirées en Moselle au cours de la saison cynégétique 2013/2014. En novembre 2014, on ne dénombrait plus qu'environ 60 individus localisés dans le secteur de Cattenom et de Rhodes. C'est très peu en comparaison du nombre de Cygnes tuberculés dont l'expansion pose bien plus de problèmes, alors que la gêne des Bernaches du Canada pour d'autres oiseaux n'est pas encore avérée en Lorraine. Cette discrimination ne tiendrait-elle pas aussi au fait que la chair des Bernaches du Canada, chassables en Lorraine depuis décembre 2011, est bien plus estimée et réputée que celle connue des cygnes qui ont pu ainsi garder de statut d'espèces protégées ?


Les autorités responsables étaient et sont convaincues que la régulation de ces bernaches " prohibées " exige une intervention étendue et coordonnée pour éviter les dispersions par effarouchements collatéraux ; la cause sans doute de l'extension, sans motif évident, des mesures de limitation au département de la Moselle.


En somme, dans cette affaire compliquée et donc sujet à controverses "Il faut savoir raison garder" (Montaigne).
Créé le 13/01/2015 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net