Le jardin est pour beaucoup d'entre nous, le milieu le plus proche et le plus souvent disponible pour l'observation des oiseaux en liberté. Plus de 60 espèces ont colonisé les milieux urbanisés soit pour s'y reproduire, soit pour y passer la mauvaise saison. A coté des réserves en friche de terrains industriels et commerciaux, des cours et plans d'eau ainsi que des espaces verts, les jardins privés constituent la part la plus étendue de ce milieu. Il existe plus d'un million d'hectares de jardins en France, alors que les parcs nationaux, régionaux et réserves totalisent à peine 350 000 hectares !
Cependant, ces milieux urbains, bien plus riches en espèces que la espaces agricoles de monoculture intensément traitée en périphérie, sont progressivement menacés par la réduction des jardins dits ouvriers, la disparition des anciens vergers et des jardins foisonnant du type jardins de curés, les banlieues perdant ainsi leur caractère semi-rural qui faisait le bonheur de beaucoup d'oiseaux et d'une micro-faune terrestre : lézards, orvets, grenouilles etc.
Qui plus est, les jardins nouveaux, établis dans les lotissements, de même que les anciens transformés, ressemblent trop souvent, par leurs haies de thuyas équarris uniformément alignés, leur pelouse rase sans "mauvaises" herbes et garnie de quelques îlots de fleurs bien ordonnés, plutôt à de tristes carrés de cimetières qu'à un lambeau de la nature que les citadins frustrés cherchent pourtant avidement pendant leurs sorties dominicales, ailleurs et loin.
Or la présence des oiseaux, au niveau qualitatif et quantitatif, est tributaire principalement de la richesse botanique de nos jardins en variétés qui leur sont propices pour le gîte, l'abri, la nourriture et la nidification. Un judicieux mélange d'arbres, d'arbustes, d'herbacées pérennes et de graminées fournit une végétation de hauteurs et d'espaces différents qui répond aux besoins d'une diversité d'espèces. Ainsi la Grive draine, comme le Merle noir, recherche les vers sur la pelouse, mais prospecte les arbres en quête de baies. A l'opposé, certains oiseaux n'occupent qu'un type de milieu : les fauvettes et grimpereaux préfèrent rester dans les arbres et sont rarement observés en milieu ouvert. Le Troglodyte mignon construit souvent son nid entre les racines d'un arbre ou au milieu de lierres grimpants...
Au demeurant, un ou deux grands arbres, de préférence feuillus, même dans un jardin de dimension réduite, réservent des spectacles intéressants en toute saison. Selon le terrain, il est souhaitable de planter noisetier, bois de Sainte Lucie, sorbier des oiseleurs, buissons ardent, églantier, viorne obier, buddleia, sureau noir, le merisier, le saule marsault et bien sûr tous les arbres fruitiers, sauvages ou cultivés etc. Il est déjà bon d'intégrer à une végétation existante, quelques-unes de ces essences propices et quelques endroits touffus.
Un jardin ainsi conçu qui n'altère en rien l'esthétique du paysage et donne même une touche personnelle à un environnement, autrement banal et commun, deviendra bien plus attractif pour les oiseaux. Si en plus, on évite les produits pesticides et qu'on laisse le tronc d'un arbre mort où s'attache une plante grimpante, le jardin deviendra un vrai asile recherché par la gent ailée qui y trouvera plus de pitance et protection.
Qui aime les oiseaux dans le jardin, pense nichoirs. Il faut être conscient cependant que ceux-ci ne sont utiles, avec des diamètres adaptés de trou d'envol, qu'aux oiseaux qui pondent dans une cavité : les mésanges, rouge-queues, grimpereaux de jardins etc. qui ne représente qu'une partie de l'avifaune possible dans un jardin. Enfin, il faut savoir que les couples nicheurs s'attribuent un territoire variable selon les espèces où ils ne tolèrent, par nécessité alimentaire, aucun concurrent de leur famille ; un couple de mésanges bleues chassera impitoyablement toutes les autres mésanges, mais tolérera d'autres espèces, comme le rouge-gorge qui se nourrissant surtout au sol, n'occupe pas la même "table" En conséquence, si votre voisin a installé à 5m de votre enclos un nichoir à mésanges, accrochez plutôt en bonne hauteur sur votre maison un nichoir à fenêtre pour rouge-queue noir....
On ne traitera pas ici, le nourrissage en hiver qui fait quasiment tous les ans, l'objet d'un article spécial dans ce journal, par exemple sous le titre très évocateur de "Passeport pour le Printemps" (1994) A ce propos, il convient d'insister sur une recommandation trop peu suivie, à savoir de laisser, au moins au pieds des arbres et arbustes, jusqu'au début de la bonne saison suivante, les feuilles mortes au sol. Outre qu'elles protégeront les plantes contre un forte gelée, elles donneront abri à une multitude d'insectes qui feront le régal de plusieurs passereaux comme le Merle noir, l'Accenteur mouchet, le rouge- gorge voire un Pic vert ou une Grive musicienne. Et pensez enfin à offrir aux oiseaux, par temps sec, une coupelle d'eau renouvelée pour s'abreuver et se baigner.
Bibliographie sommaire : "Les oiseaux des villes et des villages" de J.F. Dejonghe chez les Editions du Point Vétérinaire ; "Jardins sauvages" de Nicole Lauroy chez Nathan ; "Le jardin des oiseaux" de R. Burton chez Delachaux et Niestlé ; "A la découverte des jardins de nature de Lorraine" de la LPO et de G. Oestreicher chez les Editions Serpenoise.