© D. collin
Depuis septembre dernier, un Pélican blanc séjourne au Domaine de Lindre. Cette grande et massive espèce (envergure : 2,50 -3 m, poids ; 10-11 k) n'a jamais été que de passage très exceptionnel en Lorraine. Elle est même assez rare et très localisée dans son aire de répartition normale, à savoir les pourtours de la Mer Noire, dans quelques sites des Balkans et de la Turquie. Sa population est d'ailleurs menacée par l'assèchement des marais et les activités humaines qui s'y déploient.
De pouvoir observer chez nous et en liberté cet oiseau très spectaculaire constituait donc une occasion extraordinaire et durable qui a agité le monde des naturalistes et curieux lorrains.
® D. Collin
Mais avant d'arriver dans notre région, ce pélican a effectué un parcours stupéfiant. Bien individualisé en raison de son comportement hors normes, sa trace a pu être assez facilement suivie par les spécialistes et leurs réseaux.
Début septembre 2008, il a été observé dans le Bade-Wurtemberg, puis signalé coup sur coup sur quatre sites suisses. Il a suivi ensuite une des voies de migration des cigognes blanches. C'est ainsi qu'il été vu en Haute-Savoie, en Ardèche et dans l'Aude. C'est en Catalogne qu'il a passé l'hiver. Fin février 2009, il a réapparu parmi des cigognes en vallée du Rhône à Crozes -Hermitage, puis dans la Dombe. Début mars, il a de nouveau été observé en Bavière où une fois de plus il a accompagné des cigognes. Devenu une vedette internationale en tournées, les Bavarois lui ont donné un surnom : Quaks.
Quaks © D. Collin
Fait insigne, il a toujours été vu en compagnie de cigognes. C'est encore le cas sur le Domaine de Lindre. Les Pélicans ont pourtant peu de caractéristiques communes avec nos échassiers familiers. Ce sont des oiseaux d'eau essentiellement piscivores qui se nourrissent en nageant sur les étangs et les lacs ainsi que sur les étendues côtières peu profondes de la mer. Ils se reposent et se reproduisent dans les marais, les roselières et sur de petites îles. Enfin, ils sont très grégaires. En général, ils pêchent en groupes.
Quaks a adopté un comportement tout fait atypique. Il vie séparé de ses congénères, mais avec des cigognes. Comme elles, il se pose également sur les toits, les clochers, les cheminées, voire des pylônes ; comme elles, il arpente les prés et les champs, certes bien maladroitement avec ses pattes plus courtes et palmées. Il a démontré une grande capacité d'adaptation.
© D. collin
En s'éloignant de Basse-Lindre son gîte nocturne, c'est encore avec les cigognes qu'il va prospecter les environs à la recherche de sa pitance et le soir il ne manque pas de s'inviter au dîner des échassiers servi en hiver par les agents du domaine. Contrairement aux cigognes, il n'est pas capable de happer d'un coup de bec les poissons jetés au sol. Mais il a appris à les prélever tête latéralement penchée pour se servir de son large bec comme d'une écuelle.
Les causes de cette association aux cigognes et de leur imitation partielle ne sont pas établies. Echappé de captivité vivait-il jeune en enclos parmi ces échassiers ou orphelin, a-t-il était élevé par un couple de cigognes ? N'étant pas bagué, c'est la deuxième hypothèse qui prévaut ; mais pour le moment on n'en sait rien.
Toutefois, il est déjà certain que l'amour porté aux cigognes ou à l'une d'entre-elles en particulier restera platonique et ne donnera de plaisir qu'aux yeux des observateurs !
© Domaine du Lindre / M. Hirtz