© Gilbert Blaising
Inféodée aux grandes roselières, la Rousserolle turdoïde se fait remarquer de loin par son chant sonore.
La Rousserolle turdoïde émet des sons tantôt rauques, tantôt aigus. Ressemblant davantage à un récitatif qu'à une mélodie proprement dite, sa vocalise commence par un karrakarra coassant et tonitruant. Au cours de ses émissions vocales, ce passereau se perche volontiers en hauteur sur une tige de roseau qui ploie souvent sous son poids. De la taille d'un étourneau, il pèse plus du triple des espèces à la coloration similaire et terne qui fréquentent les même s milieux : le Phragmite des joncs, la Rousserolle effarvatte et la Rousserolle verderolle.
Mais la turdoïde est aussi bien plus rare. De plus, ses effectifs sont en forte régression en France et dans les pays du Nord-Ouest de l'Europe. La Lorraine, en particulier les roselières du Saulnois et de laWoëvre, abrite encore une population signif icative : entre 1994 et 1996, elle a été estimée à environ cinq cents couples. Mais les comptages effectués par les ornithologues ont montré que ces populations avaient diminué respectivement de 24 et 6 % en 2000 et 2005. Un nouveau recensement va débuter ce printemps. S'il est établi que le sort de cette espèce est lié de façon très étroite chez nous à celui des roselières, qu'en est-il de l'évolution de ses conditions d'existence en Afrique tropicale et équatoriale où elle passe l'automne et l'hiver ?
© Alex et Marie Beauquenne
La Rousserolle turdoïde ne revient de son séjour africain que pendant la première décade de mai, et elle repart déjà fin août. Son chant, qui est le plus sûr moyen de la repérer à défaut d'un plumage spectaculaire, n'est plus guère émis à partir de la mi-juillet. Dans l'année, il n'y a donc que deux mois et demi pour faire la connaissance de ce passereau menacé dont la Lorraine est mieux fournie que la plupart des autres régions de France. Certaines, comme la Bretagne, la Normandie et plusieurs départements du Centre, en sont même dépourvus.
Hormis pour se faire entendre, cet oiseau ne sort guère de la végétation, sinon à l'occasion pour happer dans une brève voltige un insecte au-dessus des roseaux ou des buissons des rives qu'il visite aussi. Les coléoptères, éphémères, libellules, stipules, papillons, chenilles, araignées etc. composent son menu auquel s'ajoutent des baies en fin de séjour estival. Leur richesse en sucre est propice à la constitution de réserves de graisse, le carburant pour le grand voyage vers les lointains pays d'hivernage.
Dans la plupart des cas, c'est aussi dans les roselières denses en bordure de l'eau que le nid est installé. Il est l'oeuvre de la femelle. Pour le support de la construction sur "pilotis", il lui faut un faisceau de tiges sèches et fermes. Elle est quelquefois obligée de différer son entreprise d'une ou deux semaines en attendant que la pousse de printemps des roseaux soit assez avancée. Ses matériaux sont des brins d'herbe, feuilles de roseaux, tiges de plantes, etc. S'ils sont trop secs, la constructrice les trempe pour les assouplir. Par la suite, leur dessiccation renforce la solidité du nid, lequel est en forme de corbillon tronconique suspendu entre trois ou cinq tiges et surplombant l'eau de 50 cm à 1,5 m. La coupe interne est garnie de fibres et de fines panicules sèches de roseaux. Cinq jours suffisent pour terminer cet habile ouvrage.
© Yves Thonnerieux