Une naturalisation controversée

© Didier Collin
L'Ibis sacré est une espèce d'échassier dont l'aire de répartition principale se situe en Afrique subsaharienne. Vénérée aux temps de pharaons - d'où son nom -elle a disparu de l'Egypte au 19è siècle. Vers 1990, des individus échappés de captivité se sont installés dans le Piémont italien et en Loire-Atlantique.


Par la suite ces « pionniers » ont engendré divers noyaux de populations nicheuses établies en France, surtout du Golfe du Morbihan au Marais charentais en passant par les Salins de Guérande, la Brière, l'Estuaire de la Loire et le Lac de Grand-lieu. Par ailleurs, une colonie plus réduite issue d'individus partis du parc animalier de Sigean s'est établie dans les marais de l'Aude et en Camargue.

Ces oiseaux d'allure étrange avec leur tête et leur grand bec très recourbé noirs sont un peu plus grands et plus trapus que les Aigrettes garzettes. (photo) De même le plumage est à dominante blanche hormis la queue noire ébouriffée. Ils fréquentent les grands marais peu profonds, les prairies et roselières inondées, les lagunes et les rizières en Camargue. Il leur faut de très grands espaces de ce type, ce qui est de nature à localiser leur expansion.

C'est une espèce omnivore au régime très éclectique qui va des larves, insectes, vers de terre, crustacées mollusques aux grenouilles, lézards et poissons. Charognards aussi, ils aiment à visiter les décharges à ciel ouvert.

Il s'agit bien d'une espèce qualifiée d'invasive au même titre que bien d'autres : l'Oued d'Egypte, la Bernache du Canada, la Tortue de Floride, le Ragondin, le Silure etc. Comme toutes ces espèces allochtones, l'Ibis sacré fait l'objet d'acceptations très opposées. Les uns estiment par principe que la présence de ces étrangers est incongrue et toujours néfaste ; d'autres pensent qu'elle contribue à soutenir la biodiversité en fort déclin depuis des décennies sans menacer en même temps dans chaque cas des espèces autochtones.

Touchant les ibis, c'est la première opinion qui a prévalu dans les instances autorisées comme l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) et ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) de même que dans certaines associations naturalistes.

Après la fuite en 1991 de cette espèce du Parc de Branféré dans l'Ouest de la France, le nombre de couples en liberté est resté inférieur à 150 pendant plusieurs années. Cependant, en 2000 la population avait doublé. En 2004 dans l'Ouest, elle atteignait 500 couples répartie en 7 colonies. Les explosions démographiques de l'Ecrevisse de Louisiane en Brière à partir de 2000, puis à Grand-lieu depuis 2007, ont favorisé en grande partie la forte expansion des Ibis. En effet, ces crustacés invasifs se sont révélés être un met de choix pour ces grands volatiles. Cependant, cette action salutaire contre ces écrevisses extrêmement nuisibles a été négligée. En revanche, ont été noté et retenu en des cas de prédation des ibis à l'encontre de nichées de sternes et de guifettes.

Les autorités ont donc décidé de procéder à une régulation de nombre de ces échassiers. Ce sont des agents de l'ONCFS qui ont été chargés de la réaliser par des tirs et des destructions de ponte. En 2008 environ 1200 individus ont été tués ; 2400 œufs furent détruits en 2010 et 2011. Le résultat est que dans l'Ouest, on ne recensait plus que 410 couples en 2012 (dernier recensement à large publication) auxquels on pouvait ajouter quelques- uns en Camargue et dans l'Aude.

Les défenseurs des Ibis sacrés regrettent vivement ces éliminations à grande écelle, considérant que les cas de prédation sur d'autres espèces sont très marginaux, mais qu'au contraire ces oiseaux peuvent se révéler d'une grande efficacité dans la lutte contre les redoutables Ecrevisses de Louisiane. Au surplus, bien des observateurs ont noté que les ibis vivaient en bonne harmonie avec les autres échassiers sur les mêmes lieux de gagnage : Spatules blanches, Grandes Aigrettes, Aigrettes garzettes, Hérons cendrés.

Créé le 25/08/2016 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net