INTRODUCTION
L'installation de nichoirs est un des moyens de réhabilitation des espèces qui régressent en abandonnant des sites où elles avaient l'habitude de se reproduire.
Lorsqu'il s'agit de réhabiliter des rapaces qui habitent des milieux ouverts tels que les montagnes et les falaises, ou qui fréquentent des sites élevés aussi divers que des tours de réfrigération de centrales EDF, des tours de cathédrale ou des gratte-ciel, cela demande des moyens parfois spectaculaires.
Le Faucon pèlerin est au nombre de ces oiseaux pour qui l'installation d'une aire de reproduction nécessite presque toujours le concours de spécialistes de l'escalade.
Ce rapace, unique par sa méthode de chasse, est un oiseau hors du commun. Il n'est donc pas étonnant que la mise en oeuvre de grands moyens pour faciliter sa réhabilitation ne rebute pas ceux que cet oiseau fascine, surtout dans une région où il est devenu rare.
UN RETOUR ATTENDU
Le Faucon pèlerin se reproduisait traditionnellement en basse vallée de Seine. On comptait une centaine de couples jusqu'en 1965, époque à laquelle il disparut.
En 1994, il s'est réinstallé comme nicheur sur les falaises du pays de Caux et a repris progressivement ses territoires côtiers. Depuis, il commence à coloniser la vallée de la Seine, avec un premier couple en 2001.
Digiscopie © Michel MenanteauLes adultes nicheurs sont sédentaires. Des hivernants du nord ou de jeunes erratiques peuvent effectuer de longs séjours, quelquefois préludes à une nidification. C'est pourquoi l'installation d'aires artificielles est un des moyens à considérer afin de favoriser le retour du Faucon pèlerin dans son habitat naturel haut-normand.
(Inventaire des Oiseaux de Haute-Normandie, de F.Malvaud et R.Lery /LPO. Edité par l'ARHEN - janvier 2004).
Les premiers résultats sont positifs. Cette digiscopie de Michel Menanteau (LPO Haute-Normandie), prise en mars 2004 à proximité des Andelys (Eure), montre un des premiers nicheurs observés depuis leur retour en basse vallée de Seine en 2001,
L'INSTALLATION d'une AIRE de REPRODUCTION
L'aménagement décrit ci-après a été réalisé dans le cadre du projet en faveur du Faucon pèlerin en vallée de Seine Normande, soutenu financièrement par la DIREN Haute-Normandie et la LPO- Mission rapaces. La FFME (Fédération Française de Montagne et d'Escalade) a apporté son précieux concours sur place.
Après expertise des différents lieux possibles, le site est défini en décembre 2005, sur une falaise de 82 mètres en aval de Rouen, comportant un surplomb dans son tiers supérieur. L'idée est de creuser une aire sous le surplomb, celui-ci assurant un abri naturel aux intempéries. Le terrain appartient à l'ONF et est classé en réserve biologique. Cela en limite l'accès et assure la tranquillité au couple éventuel, mais demande aussi beaucoup de précautions aux grimpeurs pour éviter de piétiner des espèces sensibles.
© Jean-Michel PeersUn examen de la falaise a lieu début février 2007 afin de déterminer les moyens à mettre en oeuvre. Le haut de la falaise est très friable et dangereux.
Plus bas, la structure de la roche au niveau du surplomb prévu pour aménager une aire de reproduction s'avère très dense et impossible à creuser avec du matériel electro-portatif léger comme cela avait été prévu.
Par rapport à l'oiseau, par contre, le lieu semble bien choisi. En effet, des indices (pelotes de réjection, traces de fientes) indiquent sa présence dans les parages. Une femelle a d'ailleurs été aperçue.
© Jean-Michel PeersAu lieu de creuser la roche, il est donc décidé de fixer un nichoir de type ouvert directement sous le surplomb.
Fabienne David (LPO- Mission rapaces), fabrique donc un nichoir en contreplaqué marine de 22mm.
Le 25 février au matin nous sommes sur place avec tout le matériel. C'est Sylvain et Yann (FFME) qui descendront le nichoir de 20kg en rappel.
© Jean-Michel Peers
© Jean-Michel Peers
© Jean-Michel PeersSachant qu'il y avait un Faucon pèlerin femelle sur le site, il fallait faire vite pour la déranger le moins possible.
Elle a dû nous observer pendant une partie de la matinée, car elle a survolé la falaise à bonne distance une heure après notre arrivée et s'est posée ensuite en hauteur, à l'abri du feuillage. Nous l'avons revue en quittant les lieux une heure plus tard.
Sylvain descend en rappel le premier, et Yann vient le rejoindre avec le nichoir.
Pendant ce temps, Fabienne et André suivent le parcours des grimpeurs à droite du surplomb de façon à pouvoir les guider si nécessaire.
© Jean-Michel Peers
© Jean-Michel Peers
Arrivés à hauteur du surplomb, Yann se désolidarise du nichoir et entame un mouvement de balancier qui l'amène sous le décrochement, là où il percera la roche et installera les chevilles qui serviront à fixer l'ensemble. On voit ci-dessus Yann qui pose au préalable un piton lui permettant de se stabiliser.
© Jean-Michel Peers
© Jean-Michel Peers
© Jean-Michel Peers
Le nichoir est remonté et positionné face aux chevilles qui recevront les tiges filetées. Un travail d'équipe, tout en douceur et précision. Une fois l'aire en place, Yann la boulonne tandis que Sylvain hisse le sable et le gravier arrondi préparé par Fabienne. Cette litière sera mise au fond, sur une hauteur de 3 cm.
Le nichoir est prêt à recevoir ses hôtes. Son installation a duré deux heures. Entretemps, nous avons eu droit à un magnifique vol d'un couple de cygnes tuberculés au ras de la Seine en contrebas.
© Jean-Michel PeersYann et Sylvain remontent en rappel à leur point de départ au sommet, puis redescendent dans le sous-bois sur le côté de la falaise. Nous les attendons 80 mètres plus bas, au début du chemin qui nous avait permis d'accéder au site.
En revenant vers les voitures, nous avons entendu la femelle alarmer. Elle est allée se poser un peu plus loin. Clairement, nous étions chez elle, et elle comptait bien nous le faire savoir ! Nous ne l'aurons pas dérangée longtemps.
A elle maintenant d'assurer sa descendance...
Le Faucon pèlerin est un rapace fascinant. C'est ce qui apparaît lorsqu'on lit le livre de René-Jean Monneret, synthèse de plus de 40 années d'observations. Cela se lit comme un roman. Une intense bouffée d'oxygène !
Un grand merci à Fabienne, sans qui je n'aurais pu vous faire partager cette belle matinée d'harmonie entre l'homme et l'oiseau, et à Yann et Sylvain, qui m'ont impressionné par leur grande maitrise dans ce genre d'exercice.