L’oiseau est, c’est évident, un ami de l’homme. Il meuble souvent sa solitude, le séduit par la beauté de son plumage, son chant, et les histoires de sa vie que nous avons tant de plaisir à découvrir, ou, pour les plus anciens d’entre nous, à transformer en beaux souvenirs.
Docile, parfois, toujours charmant, il vient, si on sait lui inspirer confiance, manger au creux de notre main.
Mais il arrive qu’il se mette en colère, nous en veuille, nous fasse des reproches amers.
Sommes-nous toujours à la hauteur de son amitié fraternelle ? Egarés, probablement, par une illusion de toute puissance, le dément pouvoir de l’argent, il nous arrive, ce n’est pas rare, d’oublier la planète sur laquelle, nous-mêmes et nos frères à plumes ou à poils, sommes pourtant assis.
Même un oiseau familier, commensal de nos jardins, en vient, comme pour nous réveiller, à pousser des cris de stupeur, des cris d’effroi, des cris de colère, en somme.
Un Chardonneret m’a dit un jour, le masque figé par une sorte de rancune, un sentiment d’injustice, une sorte de stupeur, qu’il ne comprenait pas, malgré tous ses efforts, la bêtise profonde, le mépris et les mauvais traitements infligés par l’être qui se pense pourtant le plus intelligent de la planète.
Pourrais-tu m’expliquer, ajouta-t-il, que tes frères humains dont l’existence n’est protégée que par le Droit, puissent, à ce point, mépriser la Loi qu’ils ont votée ?
Un autre jour, c’est un Guêpier qui m’a interpellé.
Familier, complaisant avec moi, il n’avait pas le moral. Pourtant, grand migrateur, il ne recule jamais devant l’épreuve, les difficultés, les efforts, le froid, le désert, et même pas face à la pénurie d’insectes.
J’ai dû admettre qu’après avoir déménagé une fois, deux fois, trois fois, il aspirait à la paix.
Que voulez-vous ? Il ne pouvait ni comprendre, ni accepter qu’à chaque fois, ses logements aient été détruits, transformés en décharges sauvages, au mépris de la Loi, par révérence à l’argent et au laxisme.
La toute dernière fois, c’est seulement l’ignorance, et l’insistance d’un élu qui ont conduit à un changement de terre pour un sable si meuble qu’avec la meilleure volonté il n’a pu y creuser son terrier.
J’ai dû avouer mon impuissance.
Sois courageux, ne te décourage pas, ami Guêpier. Je sais bien. Mais, tu vois, quand j’ai écrit au Maire, il n’a même pas daigné me répondre.
J’espère que tu seras plus fort que moi.
Cette fois, c’est un busard qui est venu s’épancher, se plaindre serait plus juste.
Il revenait de loin. Il faut l’avouer.
Criblé de plombs par un tireur imbécile, il avait été, par chance, transporté par une main secourable, jusqu’à un centre de soins tenu par les amis de l’oiseau.
La radio a bien montré les plombs assassins, et, une fois encore, illégaux.
Soigné, il a pu être relâché, et poursuivre sa vie.
Mais comme il a eu peur !
Encore, et encore !
Une sarcelle, une aigrette, une bécassine, pourtant d’humeur joyeuse, ont pu faire remarquer que, sans eau, sans zones humides, elles ne pourront pas survivre.
Que dire ?
La convention de Ramsar, signée il y a tout de même 45 ans, n’a pour le moment, pas fait obstacle à ce que des centaines d’hectares de marais soient détruits chaque année.
Je crois que c’est la bécassine qui m’a dit « Mais, pourquoi, vous les hommes, faites-vous donc tant de Lois, si c’est pour ne pas les respecter ?»
Peut-être l’un d’entre vous aura-t-il la réponse.