Naguère encore, l’oiseau était ravalé au rang d’objet, de chose.
Les idées évoluent, et on lui accorde enfin des droits, une certaine reconnaissance spirituelle et même juridique.
Bien du chemin reste à faire encore, mais cet être lumineux qui embellit notre propre existence comme d’aucuns, non des moindres, l’écrivaient, déjà, il y a tantôt un demi-siècle, accède, peu à peu à la reconnaissance que nous lui devons.
Il était impossible, en ces temps un brin obscurantistes, d’avoir pour lui le respect et la fraternelle curiosité qu’il vaut bien.
Les fables et les croyances étaient bien ancrées dans l’esprit de l’homme.
Ce qui nous a valu, à nous, êtres humains, l’ignorance, notamment en ce qui concerne le phénomène migratoire qui a été méconnu, ignoré, pendant 23 siècles, même par les esprits les plus brillants.
L’oiseau, quant à lui, a eu en récompense d’être cloué à la porte des granges, telles ces pauvres Chouettes Effraie qui symbolisaient l’esprit du Malin.
Malin n’était probablement pas le bon mot.
D’autres, Buses, Balbuzards, tous rapaces confondus, en définitive, avaient droit à des volées de plomb aussi lâches que bêtes qui faisaient souvent la une des quotidiens montrant la force supposée de l’homme qui pavoisait, en première page, fier de figurer tendant au photographe la triste dépouille d’un oiseau dont l’envergure approchait la taille de l’auteur de ces sombres méfaits.
Un peu à la manière du Renard, qualifié de nuisible.
Bonjour tristesse !
En ces temps que l’on souhaite très prochainement révolus, il n’était bien entendu pas question de reconnaître à un quelconque animal, des sentiments quels qu’ils soient.
Qui pourrait bien imaginer que sa table de cuisine ou le buffet qui la jouxte est capable d’émotions ?
Une chose ne sent rien, bien qu’elle puisse se briser, comme un verre trop plein qui tombe de nos mains…
Heureusement, de petites fenêtres s’entrouvrent, ouvrant, espérons-le, la voie à la compréhension et à des valeurs plus justes.
Il y quelques années encore, rares étaient ceux qui admettaient l’idée de jeu chez les oiseaux.
Petit à petit l’idée s’est fait jour.
Des ouvrages spécialisés ont même parlé d’émotions.
Comment a-t-on bien pu imaginer qu’un oiseau ne pouvait pas ressentir la peur ?
Puis le chapitre des sentiments a été abordé.
Enfin !
Des recherches très récentes, conduites notamment en Australie, ont montré que notre ami à plumes était parfaitement capable d’éprouver du plaisir.
Certes, nous pouvions savoir, observer, que des particularités physiologiques poussaient l’oiseau à prendre son bain, à passer des heures à se nourrir en hiver, ou même à entamer de longues migrations commandées par son génome et la croissance naturelle de ses gonades.
De là à imaginer que l’oiseau était joueur, il y avait un pas.
Un pas aisé à franchir pour qui prend le temps d’observer une troupe de Sarcelles plongeant à qui mieux mieux lorsque brille le soleil automnal.
On sait depuis longtemps que l’extension de l’aile ou du cou procure à cet être volant une détente musculaire, du repos.
C’est, du reste, le plus souvent, lors d’une toilette qu’il prend ces attitudes.
Mais avant la toilette est le bain.
A son issue, de nombreux oiseaux font un bond ou plusieurs.
Nulle nécessité de confort ou d’entretien du plumage ne peut l’expliquer.
Force est donc de penser que c’est uniquement par plaisir qu’ils agissent.
Simple hypothèse, provisoirement.
L’oiseau a-t-il une âme ?
Il faudrait, pour répondre, connaître une définition précise et concrète du mot « âme ».
Mais rien n’empêche radicalement de le penser.
Loin d’être cet être inférieur tel que considéraient nos aïeux, ses performances stupéfiantes montrent à l’évidence qu’il vaut beaucoup mieux que cette bien pâle commisération, largement surannée.