Edouard, sarcelle d'hiver

Avez-vous eu la chance d’entendre ce petit son de flûtiau, à l’heure à laquelle le crépuscule plonge progressivement le marais dans les ténèbres, ou, juste avant le point du jour, dans une ambiance glacée, mais qui se teinte déjà ?
- Krruc ou krricc, bref et cristallin, le chant du mâle, qui porte loin sur l’eau, ou au travers du marais. En certaines aurores, ces chants se multiplient, ils deviennent alors des concerts de clochettes.
On l’entend loin de nuit, mais aussi en plein jour, lorsque Monsieur appelle sa gente Dame, ou, tout bonnement, ses copains.
Je lui trouve un charme inénarrable, depuis de si nombreuses années...
Quel magnifique oiseau, le plus petit de nos anatidés !

Le nom latin du canard nommé - sarcelle - en français est attesté sous la forme - querquedula - chez Varron au 1er siècle de notre ère avant Jésus-Christ. Pied de nez de l’histoire taxinomique car, aujourd’hui, ce nom, revu par Linné, désigne son beau cousin, la sarcelle d’été, Anas querquedula.
Querquedula deviendra cerceta en Espagnol et sarcelle en Français.
Le nom italien ne nous enseigne que peu de choses, car, devenu marzaoila il semble seulement témoigner de son passage en nos régions au mois de mars.
Pour ma part, j’ai parfois observé des sarcelles d’été dès la fin février, mais le plus souvent au mois de mai.
Linné et les allemands nous enseignent un peu plus.
Il est probable que Linné ait décidé de son nom d’espèce par rapport à son cri ; c’est ainsi, probablement, qu’il a pris le nom d’Anas crecca, eu égard à ses krricc ou ses krruc, selon l’oreille de chacun. Il fut sans aucun doute l’inspirateur de son nom allemand, Krickente qui se partage entre - ente - (canard) et le chant qui est le sien.
Savez-vous ce qu’en des temps bien éloignés nos aïeux pensaient à son propos ?
La sarcelle était issue d’un coquillage ; c’était donc une sorte de poisson, et l’Eglise admettait que notre oiseau fût consommé, même les jours de carême, en raison de cette particularité.
Triste privilège qui ne résista pas, heureusement, trop longtemps, aux avancées de la science. Permettez-moi de vous présenter Edouard !
Vous comprenez bien pourquoi Edouard, avec cette allure princière.
Le col dressé et son magnifique costume d'hiver.
Le port si fier, tous les sens en éveil. La dernière posture avant l'envol.

Lorsque passe un Busard des roseaux même assez loin dans le marais...
Avec 100 grammes de plus (elle fait tout de même 300 grammes environ), Edouard est plus grand que son épouse.
C'est un canard de surface, caractéristique de certains anatidés que d’aucuns appellent aussi - canards barboteurs - ; pourquoi pas ?...
Non qu’il ne plonge jamais !
Il est au moins deux circonstances en lesquelles il le fait volontiers.
La première est la nécessité de fuir un prédateur, comme le Faucon pèlerin, par exemple ; il est une anecdote rapportée par J.Oberthür qui, il y a bien longtemps, fut témoin de la scène.
Pourchassée par un Faucon pèlerin (seul oiseau capable, sans doute, de rivaliser en vitesse), notre sarcelle survola, empressée, et pour cause, une roselière et s’empressa, celle-ci franchie, de plonger dans l’onde la plus proche. Elle eut ainsi la vie sauve.
La seconde est beaucoup plus plaisante ; j’ai la chance d’en avoir été bien souvent le témoin.
En des endroits bien tranquilles, la sécurité assurée, parfois il fait beau... si beau ... Le repas avalé, la sieste consommée, un groupe de sarcelles peut s’adonner à une autre activité dont on ne parle guère, pour ne pas dire jamais: le jeu.
Nous les croyions paisibles, à demi endormis, lorsque l’un d’entre eux s’élance au-dessus de l’eau bleue en une course folle, pour d’un seul coup plonger...afin de vite en ressortir, et... recommencer. Ces gestes sont contagieux, tel le rire chez l’homme : bientôt l’ensemble de la troupe l’imite et l’eau jaillit en de grandes gerbes de gouttelettes, des vagues argentines.
Un sourire éclaire alors l’âme de l’observateur ; quelle lumière et quelle beauté, en son âme, et au fond de son coeur !

Un rythme nycthéméral

Edouard, en bon canard de surface, occupe les habitats adaptés à ses besoins. Même s’il est, pour une part, ubiquiste, ce sont essentiellement les eaux peu profondes qui l’attirent ; et surtout les eaux douces.On peut le rencontrer, cependant, dans le monde maritime, rivages de la mer, baies, et estuaires.
Nous pourrions bien penser ici à ce que tant de parents ont enseigné à leurs enfants.
- Si tu n’as pas ce que tu aimes, aimes ce que tu as -.
Car c’est sans doute contraint et forcé qu’Edouard quitte ses chers marais, ceux qui, seuls, méritent son nid.
L’empreinte de l’homme est encore si présente. De plus en plus sensible...
Edouard est un parfait exemple des oiseaux dont l’existence est organisée sur un rythme nycthéméral.
Autrement dit, l’alternance du jour et de la nuit.
Selon bien des ornithologues, ce choix n’en est pas un, et là, je les rejoins ; c’est contrainte et forcée que notre belle sarcelle fréquente alternativement deux milieux, fondamentalement différents, mais si heureusement complémentaires : le marais, la nuit, et les baies ou les estuaires, le jour.
Il suffit d’une réserve de quelques 150 hectares pour constater qu’Edouard n’est pas un authentique noctambule.
En dehors de ces lieux protégés, le jour est synonyme de danger ; l’homme, donc la mort potentielle et latente, à chaque instant, l’entoure et le menace.
La nuit tombée, et dès le crépuscule, notre ami, peut être rassuré ; parfois à tort, du reste.
Il en résulte ces mouvements biquotidiens de la terre vers la mer, et l’inverse.
En Vendée, dans le secteur de la Baie de l’Aiguillon, les sarcelles d’hiver disposent (...disposaient, naguère) d’un vaste ensemble de marais nourriciers, prairies inondées, telles ces vastes communaux, ou encore, plus récemment, de quelques réserves, sans nul doute opportunes, telle que celle qu’à créée Michel Brosselin à Saint Denis du Payré.
Une baie, très vaste reposoir, nourricier à l’occasion, lorsque le froid devient dur, assortie de magnifiques plages, depuis longtemps en réserve, telle celle de la Pointe d’Arçay qu’Edouard ne dédaigne pas de fouler, dès le matin très tôt, et qui sert aussi de reposoir de marée haute à des myriades de limicoles.
A pleine mer, quelques dizaines de centimètres peuvent tout changer.
Nos amis, dès que la nuit s’annonce, quittent la quiétude de la baie pour gagner le restaurant où ils vont, enfin, pouvoir se rassasier.
Bien avant que le jour s’annonce, leur instinct leur commande de regagner sans plus attendre leurs résidences maritimes, moins prolixes, mais plus sûres.
Dans ces mouvements crépusculaires, les - passées -, sont de belles occasions d’entendre ces concerts cristallins qui accompagnent Edouard et ses copains.
Mais quel est leur menu ?

Ubiquiste, la sarcelle d’hiver, pourrait être aussi qualifiée d’éclectique, mais avec beaucoup de modération s’il s’agit de ses repas.
Les graines dominent dans son régime , pendant toute l’année, à l’exception de la période de reproduction.
- ...carex, scirpes, potamots, ruppia, myriophylle, renoncules... - précise Paul Géroudet.
Elle aime les eaux très peu profondes, qu’elle filtre avec son bec.
Il est rare qu’elle cherche sa nourriture en plongeant, quand bien même quelques animaux complètent son régime (mollusques minuscules, tels la lymnée, insectes aquatiques, ou encore les vers annélides).
A la saison des nids, les insectes composent l’essentiel du repas des adultes et des jeunes.
Vous l’avez bien compris, pendant quasiment toute l’année, l'oiseau est essentiellement granivore.
Comme chacun le sait, ces aliments sont assez peu énergétiques, et ce fait nous éclaire sur l’importance (négative) du dérangement ; il faut manger beaucoup, donc longtemps, pour constituer son stock vital de calories.
Celui qui, notamment, permet l’homéothermie : chez l’oiseau, il faut maintenir une température interne de 41°.
Alors, le passant négligeant, l’imprudent, ou le méprisant, ne sont, pas plus que l’ignorant, les amis d’Edouard.
Ils peuvent, sans le comprendre, ni même le ressentir, le priver de temps, or ce temps du repas compte énormément ; il prend la plus grande partie de son temps. Il est vital.
Voir voler les sarcelles est un fameux spectacle. Mais surtout lorsqu’elles l’ont décidé, quand ce vol leur est indispensable.
Combien de réserves caloriques ne sont-elles pas brûlées à tort, et en pure perte?
Ce ne sont certes pas les pauvres 500 nids disséminés en France qui pourraient faire des sarcelles d’encombrants personnages.
Essentiellement hivernant en France, il nous revient dès septembre.
Les sarcelles, ne sont pas comme ceux qui arrivent en avril, pondent 3 Sufs, couvent un peu, élèvent les oisillons et nous quittent dès fin août, sans un regret, sans un regard en arrière.
Nous chérissons aussi nos beaux estivants, mais il est vrai qu'Edouard et sa famille sont des visiteurs fidèles, je vous le dis sans fard.
Des visiteurs d’hiver.
Bien plus de 80 000 oiseaux vous entourent lorsque vous commencez à sentir que les jours deviennent courts et que les premiers frimas réveillent vos frissons.

Habitats

Ses quartiers préférés ne vous surprendront pas : le Golf du Morbihan, la baie de l’Aiguillon, la Camargue et le bassin d’Arcachon.
Ce qui vous surprendra, peut-être, sera de savoir qu’en janvier on en compte 100 000 en France, alors que le tableau de chasse est évalué à 330 000 oiseaux.
Ainsi donc chaque chasseur français tuerait donc 3 fois chaque oiseau ?
Bien longtemps, nous avons cru, dur comme fer, qu’une sarcelle nichait, muait, puis migrait ; elle passait l’hiver, puis repartait vers le Nord.
Nombreux furent tout de même ceux qui parlèrent d’erratisme ; ceux-là, justement, qui comprirent vite que les oiseaux de Russie ne descendaient pas toujours jusqu’au grand Sud, et que seuls de grands froids atteignant la Scandinavie, et l’Europe centrale pouvaient les en convaincre.
De nos jours, les plus brillants chercheurs ont montré, démontré, devrais-je dire, que le petit peuple d’Edouard, ne reste pas longtemps en place ; de décade en décade, les bandes se déplacent. Qui était en Allemagne s’est rendu en Espagne ; et les cousins de Suède les remplacent, ou les rejoignent en Camargue.
Le bassin de population qui alimente nos observations ne compte pas moins d’un million d’individus !
Oui, vous avez bien lu : de 750 000 à 1 375 000 si vous aimez les détails.
L’UICN considère qu’Anas Crecca ne suscite aucune inquiétude.
Du moins pour l’instant....
Car il n’en est pas moins vrai que 55% des individus quittent cette terre entre août et mars ; quittaient, on l’espère, car les saisons de chasse ayant été abrégées (cette statistique date d’un temps où la saison de chasse s’étendait du 14 juillet au 31 mars) un certain nombre d’entre eux devrait, à présent, être épargnés.
L’espérance de vie n’est donc, tenant compte de ce fait, que de 2 ans...
A peine le temps de faire des enfants ; juste ce qu’il faut, encore, pour maintenir les effectifs.
Restons toutefois optimistes.
Il ne faut pas confondre l’espérance de vie avec la longévité. Chez Edouard, elle est de seize années !
Il n'oublie jamais d'entretenir son plumage, rempart indispensable contre l'humidité et le froid.
Sa glande uropygienne lui rend de grands services, mais il sait en user, avec une rare élégance.
Edouard est un dandy ! En seriez-vous surpris.
Au pays des sarcelles, un oiseau bien portant est prêt, sexuellement, dès son premier printemps.
Déjà, en plein hiver, quand il fait doux, et beau....
Dès fin février, et surtout au mois de mars, leur regard se porte vers le nord, et vers l'est, là où ils ont encore de si beaux territoires.
L’heure est venue de penser à sa descendance, aux nids, donc, et à ses merveilleux cannetons.
A cette époque, il lui arrive souvent de croiser sa si belle cousine - Anas querquedula -
Il est vrai que son magnifique sourcil blanc, son poitrail, un brin rosé, pourrait sans trop de mal séduire - Anas crecca -, qui lui rend quelques grammes, à peine.
Dés novembre, parfois un ou deux mois plus tard, les couples sont formés ; la plupart en mars dit-on ?
Mais enfin la fin du mois de mars n’est pas si éloignée.
Quelques uns nous auront déjà quittés ; les derniers le feront, à regrets.
Mais la vie est ainsi...L’histoire ne repasse pas les plats.
Cap au nord, vers la Scandinavie, ou même la Russie.
Ah, le temps du voyage ! Le ciel nocturne, ses si belles étoiles.
Quitter ces marais, ces belles plages, ce littoral enchanteur....
Comme c’est difficile ! Mais, vous le savez bien : il le faut !
A aucun prix, je ne voudrais vous faire de la peine. Mais rares sont les endroits, en France, où Edouard et son épouse, peuvent faire leur nid.
Manque de confiance ? Peut-être.

Il est possible aussi que les conditions ne soient pas si favorables.
Mais, tout de même, en Sologne, en Lorraine, en Bretagne, en Alsace, ou encore en Vendée, en Charente-Maritime, et en Gironde, ils sont quelques uns à élever leurs petits.
Dès la fin février (ce mois qui trouble tant, oiseaux et naturalistes) et surtout en mars, la plupart prennent le chemin de l’Est, aussi celui du Nord.
Quelque fois en avril, pour les retardataires.
Ils voyagent de nuit, tous ensemble, vers ces jolis pays, vers le rêve, avec dans la tête de bien beaux marécages, des herbes accueillantes, des insectes en myriades.
Mais vers où vont-ils?
Vers la Scandinavie où ils sont nombreux. Près de 300 000 couples se partagent la Finlande et la Suède.
Et puis, la vie de l’extrême : la Russie.
Plus d’un million ....
Ils y affectionnent tout particulièrement la taïga claire, dans laquelle plus de 80% d’entre eux font leurs nids.
Sachez que ce merveilleux voyage, plein d’embuches et de fatigues dure tout au long de 7000 kilomètres.
Pas folle la sarcelle ! Elle fait, ici où là, des étapes alimentaires.

Le temps des parades

Mais je dois vous parler de ses parades nuptiales.
L'homme le sait bien, lui, qui, pour séduire sa femme, met son plus beau costume, l’invite à diner, parfois lui récite des vers, se met à danser, et même à chanter...
La danse des canards ?
Edouard, est beaucoup plus sobre.
Il met son bel habit. Et puis...
Il lui fait des courbettes.
Tiens ! Voici les deux attitudes qui lui plaisent le plus.
Il bombe le torse, et puis baisse la tête ; sa crête est hérissée. Là, son bec rejoint sa poitrine.
Ou alors... Comme soudain électrisé, en un instant, un seul, il relève en même temps la tête et la queue...comme un petit canard qui voudrait joindre le ciel, mais sans quitter le sol.
Elle aime ça la dame, et elle le trouve beau.

Mais il faut bien reconnaître qu'il est un peu... macho...
Dès qu'elle le laisse s’approcher d’elle, il s’empare de son dos ; pour ne pas s’étouffer, elle relève la tête.
Ces accouplements sont forcés.
Mais il y a pire, peut-être.
C’est elle, seule, qui construit le nid, une coupelle composée d’herbes sèches et de feuilles, garni, surtout, de son beau duvet noir.
Elle y dépose de 8 à 11 Sufs, d’un blanc crémeux, ou, si vous aimez mieux, d’un jaune très clair, teinté de blancheur.
Ensuite, elle se met à couver.
Dés cet instant, Monsieur s’éloigne, l’abandonne à sa destinée solitaire.
C’est ainsi, c’est la vie, ne lui en veuillez pas trop.
Trois semaines plus tard, les cannetons voient le jour.
Parfois leur mère à choisi un emplacement près des eaux éphémères ; il leur faudra, dès lors parcourir parfois plus d’un kilomètre pour retrouver l’élément dont nous sommes, tous, issus.
Mais, comme leur père, ils trottent d’un pas vif.
Seule, admirable Maman, elle veille sur eux, les protège, les nourrit.
Enfin récompensée, pas loin d’un mois plus tard, ils peuvent s’envoler. Fiers de leurs belles rémiges, ils vont s’émanciper...
...Et, à leur tour, la quitter.
La vie sauvage est cruelle.
Mais pour lutter, défendre sa propre espèce, il faut sans doute être fait ainsi.
Sensible, sûrement, mais parfois dur, aussi.

Migrations

Les y voici, bientôt !
En rêve, ils peuvent voir déjà, les terres de leurs ancêtres.
Les savants ont parlé de migrations différentielles. Les femelles, accompagnées de juvéniles, ont tendance à migrer moins au nord que les mâles adultes.
Et pourquoi donc ?
D’aucuns ont dit qu'ils étaient plus gros, plus gras, plus forts, et qu'ils pouvaient, donc, supporter des conditions plus rigoureuses.
Mais pourquoi ? Ou dans quel intérêt ?
Dommage pour les chercheurs !
Oui, dommage, car les mesures ont prouvé que les mâles hivernant en Camargue sont plus lourds que ceux qui passent l’hiver en Grande-Bretagne (333 grammes en moyenne contre 319 grammes).
Qui hiverne plus au nord serait donc moins lourd et moins gras, peut-être moins résistant que celui qui séjourne au sud. Fiasco pour l’hypothèse....C’était un contre exemple.
Une autre hypothèse, peut-être ?
Pour diminuer leurs efforts migratoires, monopoliser les quartiers d’hivernage les plus proches des zones de reproduction, ils resteraient plus proches de la Russie que de la Normandie.
Ainsi, ils seraient les premiers sur le territoire des nids, les chefs, en quelque sorte, expulsant les jeunes candidats.
Erreur encore !
La sarcelle n’est guère territoriale, enfin si peu. Je vous l’ai dit : les couples étant formés lors de l’hivernage, au printemps mâmes et femelles migrent de concert, et gagnent ensemble la taïga.
Nous ne connaissons pas l'explication, il faut le reconnaître.

Dès l’hiver,il advient fréquemment que les sarcelles soient nombreuses sur un site. Remise ou gagnage ?
La - remise - est le lieu où elles se reposent pendant la journée ; le - gagnage - est nocturne le plus souvent, pour elles. Accueillant territoire où elles peuvent manger tout leur saoul.
Certains brillants chercheurs se sont demandé, par ailleurs, si les sarcelles étaient des - reproducteurs sur capital - ou - des reproducteurs sur revenus -.
Et là, ils ont trouvé.
Edouard serait-il un brin spéculateur ?
Serait-il, tel le Rouge-gorge, un oiseau qui prépare sa migration en mangeant, en faisant des réserves de graisse, nécessaires aux besoins du voyage, et à la réussite des couvées ?
Bien des passereaux procèdent de la sorte.
Eux sont donc des reproducteurs sur capital, en quelque sorte.
En ce qui concerne les sarcelles, il faut compter sur les ressources alimentaires qu'elles peuvent glaner tout au long du parcours, et surtout sur ses sites de reproduction.
A cette saison, le temps consacré à cette activité augmente, passant de 8 à 12 heures chaque jour ; elles mangent moins la nuit, et bien plus de jour.
Ceci démontre bien qu’il ne faut pas les déranger.
Dans ces contrées encore sauvages, moins peuplées, elles peuvent à leur aise déjeuner sans craindre le promeneur, le chasseur, en tout cas le bipède parfois mal intentionné.
D’autres ennemis les guettent, cela suffit bien !
Quelques uns...
L’Aigle royal, l’Autour des palombes, les Faucons pèlerin, gerfaut, émerillon, le Hibou grand-duc, tout spécialement en Suède.
En Europe, le Busard des roseaux et le Goéland leucophée.
Enfin, inattendue, la Mouette rieuse qui s’empare des cannetons en Grande-Bretagne ; sans doute l’humour anglais...
Après avoir surmonté tous ces périls et toutes ces fatigues, les poussins sont nés, et, pour tout dire, émancipés.
Les adultes vont alors tous - disparaître - dans le confort des carex, ou des roseaux, pour un ultime effort.
La mue.
Comme chez tous les canards, la mue est totale. C’est à dire que toutes leurs rémiges les quittent en même temps. Incapables de voler, pendant plusieurs semaines, ils se font discrets.
Il est hors de question de faire la part trop belle au busard au encore au faucon.
- Pour vivre heureux, vivons cachés -.
Mais, dès la fin juillet, leurs plumes sont neuves. Commence alors leur vagabondage.
Et puis, dès fin août, ou en septembre, les sarcelles seront de retour sur les côtes françaises.
Certes, leur costume n’aura pas encore son lustre d’hiver.
Mais nous pourrons dire, enfin, en les apercevant - Les voici de retour -.

Créé le 09/05/2012 par Patrick Fichter © 1996-2024 Oiseaux.net