On les prendrait pour sœurs avec leur manteau noir et blanc et une taille assez proche.
L’une, l’Echasse, a l’œil et les pattes rouges ; l’autre a l’œil noir et des pattes bleues.
D’un bleu inoubliable qui ressort à merveille, même sur fond bleu.
Personne n’ignore le long bec fin et retroussé de l’Avocette ; sa sœur a, elle, le bec droit. Il ressemble à une petite dague de 7 centimètres.
Quelques menues différences les séparent donc.
Dès la fin de l’été, l’Echasse fuit nos terres et met le cap au Sud pour passer son hiver au chaud.
Chez sa sœur, l’Avocette, il en va autrement.
Certaines de ses populations nichent dans le Nord et l’Ouest de l’Europe ; d’autres adoptent notre pays pour y construire leurs nids.
Mais un nombre non négligeable d'entre elles vient passer l'hiver sur nos cotes.
Ce qui fait, qu’en France, nous pouvons la voir toute l’année.
En vérité, ce ne sont que des nuances, car bien des choses les réunissent.
Déjà, lorsqu’elles partagent les mêmes lieux de reproduction, leurs relations semblent bonnes, quoiqu’en général Dame Echasse soit très agressive et chasse avec la plus farouche détermination, tout ce qui bouge dans son petit lopin, de la Bergeronnette au Tadorne, nettement plus imposant.
Ensuite, quand vient la construction du nid, le rituel est pratiquement le même.
Ces maigres coupelles sont ascétiques dans les deux cas.
Quelques brindilles réunies sur le sol, avec éventuellement quelques petits graviers, et c’est tout.
C’est en projetant ces matériaux en arrière que nos deux oiseaux procèdent.
Il en va de même pour les relais entre époux.
De fréquence comparable, ils suivent le même rituel.
L’arrivant projette en arrière quelques menus objets, comme s’il fallait (mais peut-être le faut-il) entretenir ce maigre nid.
Dans les deux cas, de petites maladresses peuvent conduire sous l’eau les œufs porteurs d’espoirs d’enfants.
Elles n’en ont pas, du reste, l’exclusivité, puisqu’il m’est arrivé de voir dans mon jardin une Merlette pondre sur le sol à deux mètres de son nid. La chance a voulu que je connaisse l’emplacement du nid et que je puisse donc remettre l’œuf encore chaud où il fallait. Tous les petits sont nés !
Parlons d’accouplements !
Le scenario est le même, bien qu’il ne soit pas exceptionnel au monde de l’oiseau. Particulier sans doute.
C’est la Dame qui en prend l’initiative (ne rêvez pas Messieurs qui n’êtes pas des oiseaux) avec une posture d’invite, une attitude soumise.
Le bec touche presque l’eau.
Le cou est allongé, et la Dame immobile.
Pendant ce temps-là, Monsieur poursuit sa toilette, prolongeant assez longtemps ses ablutions.
A tel point qu’il arrive que sa promise se lasse !
Voici qui me fait penser à mon ami le Grèbe huppé qui prend tellement de temps qu’il faut que son épouse l’appelle, hausse le ton fortement, d'une voix rauque, pour lui rappeler ses devoirs conjugaux.
Reste une infime nuance.
Lors de cette toilette prénuptiale, Monsieur sabre l’eau chez l’Echasse, ce que ne fait pas Monsieur Avocette.
Notons également qu’à l’issue de cette union, chez l’Echasse le mâle se montre respectueux, aimant même, et qu’il entoure affectueusement son épouse de ses ailes, tandis que les becs se croisent.
Les deux oiseaux font aussitôt quelques pas ensemble, dans ce qui prend des allures de marche nuptiale.
Le câlin final existe également chez l’Avocette, mais il est moins marqué.
Les quatre œufs pondus sont couvés alternativement par les deux parents pendant la même durée d’environ 25 jours.
Dans les deux cas, les poussins sont nidifuges.
Pendant l’élevage des jeunes, nos deux oiseaux font preuve d’une vigilance extrême et sont même solidaires, partant de concert à la poursuite des prédateurs, Milan noir ou Mouette rieuse.
Le tout avec un succès variable. Surtout quand il s’agit de la Mouette rieuse, mauvaise voisine de palier, qui se montre plus fourbe et plus rusée que le rapace.