Ode à l'oiseau

Les oiseaux semblent pulluler.

Près de 10 000 espèces dans le Monde et 545 en France.

Ce petit être qui possède deux yeux, deux ailes et deux pattes suscite les passions depuis des siècles.

Des fables souvent plaisantes d’Aristote aux discours bien plus récents de Jean Dorst qui disait, à leur propos, que l’homme ne saurait se passer du beau, ou d’Hubert Rives qui les qualifie de merveilleux.

Bien des textes, bien des livres ont traité ce beau sujet, sans tenir compte des millions d’images qui parcourent la planète à l’heure du numérique et d’internet.

Communs ou rares, ils suscitent la passion en des modes variés : ornithologues, éthologues, recenseurs, photographes, preneurs de sons, ou simples observateurs partagent le fruit de ce que l’on peut appeler une sympathique addiction.

C’est un bien pour les échanges et pour la convivialité.

Le signe peut-être d’une inquiétude à l’égard de ce que certains ont parlé comme du « Printemps silencieux ».

C’est une autre facette que nous aborderons plus avant.

Mais il faut avouer que l’oiseau a tout pour nous séduire.

Il est en général beau et charmant.

Qu’il s’agisse de l’Araçari de l’Equateur, ou du Moineau friquet.

Il nous séduit par son plumage, plus ou moins coloré, par ses chants et nous fascine par ses mœurs riches qui nous permettent de comprendre, ou du moins d’essayer de comprendre des logiques différentes de celles des humains que nous sommes.

Pourtant, l’oiseau est efficace et capable de performances devant lesquelles nous sommes confondus.

Pour entrer un tant soit peu dans l’univers de l’oiseau, il faut beaucoup d’amour, de travail et de patience.

Le phénomène migratoire, par son ampleur et sa variété nous laisse toujours bouche bée, malgré les intenses recherches déjà conduites ou en cours.

Comment un si petit oiseau que le Traquet motteux est-il capable de parcourir chaque année des distances aussi considérables que 30 000 kilomètres entre aller et retour ?

Comment le jeune Coucou peut-il trouver dans son génome les ressources, ou mieux, les consignes pour rejoindre l’Afrique alors de ses parents biologiques sont partis sans lui depuis plusieurs semaines et que ses parents adoptifs (malgré eux) sont bien incapables de le guider sur cette route qu’ils ne sauraient assumer ?

Assister à l’hivernage d’oiseaux migrateurs tels que la Bernache cravant ou la Grue cendrée est source d’émotions intenses et, bien sûr, de découvertes.

Il en va de même lorsqu’il s’agit du suivi de la saison de reproduction de l’Echasse blanche, du Héron pourpré, ou du Guêpier d’Europe, par exemple.

N’oublions pas, non plus, ces oiseaux de passage, parfois rares, qui nous offrent des rencontres si charmantes.

Le nourrissage hivernal des oiseaux au jardin est riche d’enseignements lui aussi.

On apprend à reconnaître certaines espèces, à découvrir leurs aliments préférés (les plus utiles), leurs horaires et leurs distance de fuite, bien qu’ils se montrent alors en général beaucoup plus tolérants et familiers ; il faut dire qu’ils s’habituent promptement à ne plus voir dans les visages humains qui les entourent une source de danger.

Qui passe son année en compagnie des oiseaux, qu’il soit grand voyageur ou sédentaire, est assuré de passer d’émerveillement en émerveillement, exception faite de rares déconvenues, dues le plus souvent à une météorologie défavorable.

Ecoutez la voix flutée du Guêpier, admirez les vols de Grues survoler votre maison, observez les mimiques des Merles du jardin, sans oublier, la nuit venue, les concerts de Hulottes, et vous serez heureux, reposé des fatigues de la vie, et prêt à passer de belles nuits embellies encore par les plus jolis rêves.

Tous, nous tenons à ces spectacles enchanteurs qui nous font souvent lever tôt ou coucher tard et nous poussent à parcourir des centaines de kilomètres, des milliers pour les plus voyageurs d’entre nous.

Mais…

Il y a un « mais », en effet.

Malgré la passion, les beaux rêves qu’elle suscite, nous ne pouvons pas (et nous ne devons pas) oublier que pour la plupart de ces espèces, les effectifs subissent de conséquentes régressions.

Pour en avoir le cœur net, il suffit de consulter la liste rouge des espèces menacées que publie régulièrement l’UICN.

On y découvre non seulement que l’Outarde canepetière est tout simplement menacée de disparition en France à l’instar de son cousin de Râle des genêts ; on verra, avec plus de surprise ou d’étonnement sans doute, que le Chardonneret élégant a subi une perte de 40% de ses populations depuis 10 ans.

Presque toujours en raison de la disparition des milieux.

En dépit de la convention de Ramsar signée par la France en 1971 et dont le but consiste à protéger les zones humides, chaque année, des centaines, voire des milliers d’hectares sont asséchés, mis en valeur ainsi qu’on le disait en des temps, disons reculés.

Qui pourrait s’étonner de voir la Barge à queue noire sur la liste des espèces très menacées ?

Elle a un besoin vital des zones humides.

Il existe des explications à ce phénomène.

En premier lieu des faits : la population française comptait 43 millions d’habitants en 1950 et 65 millions en 2017 !

C’est en fait l’homme qui pullule, pas l’oiseau.

On a peur de faire des projections à l’échelle mondiale.

D’autres explications tiennent plutôt à des croyances et à l’histoire des religions.

Ainsi la religion judéo chrétienne estime que, selon la parole de Dieu, l’homme est un être supérieur et que les animaux sont à sa disposition.

Rien ne change vraiment, et l’on peut considérer que si l’homme se considère comme l’être supérieur, c’est également parce qu’il se tient pour plus intelligent.

Erreur profonde !

Les animaux ont une intelligence différente, mais très adaptée qui leur permet (entre autres) de survivre dans des milieux on ne peut plus urbanisés, à l’exemple de ces Faucons Pèlerins qui nichent nombreux en plein cœur de New-York.

Et ils montrent de plus des aptitudes étonnantes qui lors de tests sophistiqués leur permettent de battre des humains à des jeux vidéo.

Ces problèmes paraissent insurmontables.

Pourtant quelques voix s’élèvent dans un océan d’ignorance ou de mépris.

Nous autres, amis des animaux et des oiseaux en particulier, avons l’impérieux devoir de soutenir tous ceux, chercheurs, associations, qui luttent pour jamais Nature ne meure.

Pour m’inspirer de Charles Dumont, je dirais volontiers « C’est peu de chose un oiseau. Mais dites-moi c’que nous ferions s’il n’y avait plus d’oiseaux.

Un livre chaudement recommandé :

Frédéric Lenoir. « Lettre ouverte aux animaux (et à ceux qui les aiment) » - Fayard 2017

Créé le 12/01/2018 par Patrick Fichter © 1996-2024 Oiseaux.net