Un de nos plus grands poètes, Georges Brassens écrivait, et chantait, non sans talent, à propos du latin, ou, peut-être de la messe, que sans le latin, la messe manque un peu de sel, perd de son goût…
En des termes résolument plus verts, sans doute un peu plus crus.
On ne saurait blâmer un immense artiste pour un langage qui dit si bien ce qu’il veut dire.
Tirer, tout au plus, de son œuvre, de jolis souvenirs, quelques leçons.
Au fil du temps et des efforts des savants, les oiseaux ont été classés en genres puis en familles et pour que chacun y trouve ses repères, français, danois, allemand ou bien suédois, c’est le latin qui a été choisi comme la langue universelle qu’il reste encore…ne varietur.
Dans ce langage, turdus signifie grive et c’est donc cet oiseau remarquable qui se trouve désigné comme chef de file des turdidés.
La famille est nombreuse et ne manque ni d’histoire, ni de variété. De ressemblances et de particularités.
Chez nous, en France, ce sont évidemment les grives et les merles qui sont les plus communs.
Draine, litorne, mauvis ou musicienne, les grives sont abondantes et nous tiennent compagnie en toutes saisons, ou presque, selon la région, l’abondance des pommes et la présence du gui.
La musicienne affiche constamment sa belle humeur, son heureux caractère, et nous charme de son chant, sans doute l’un des plus beaux au monde de l’oiseau, dont elle nous fait profiter dès le mois de février, qu’il fasse beau, vente ou pleuve.
Le merle pourrait être son égal bien que ses trilles puissent sembler moins riches.
Plus encore que sa cousine, il anime aussi nos jardins par de nombreux nids, souvent précoces.
En attend toujours la visite du Merle à plastron, vraisemblablement plus nordique, en général, et surtout moins nombreux.
D’autres ont une histoire plus riche, quand bien même ce n’est pas et de loin, leur mérite essentiel.
Le rouge-gorge, apparemment banal, à coup sûr commun, a été porteur de nombreuses légendes et témoin de bien des fables qu’il partage avec son proche cousin, le rouge queue noir.
Le premier, ardent propriétaire, défend vigoureusement son petit canton, en montrant son plastron à tout éventuel ou imprudent candidat. Mais il le fait aussi grâce à son chant vigoureux.
A telle enseigne, que Madame prenant le relai de Monsieur, c’est le seul oiseau à chanter toute l’année.
Porteur du feu à l’homme, il a aussi, dit-on, sauvé des flammes le Troglodyte mignon mis en péril par son imprudence et, avouons-le, par sa tricherie, si l’on en croit les fables.
Aristote, peu enclin à admettre la notion de migration, disait de lui qu’il se métamorphosait, le printemps venu, en rouge queue noir.
Le rouge-gorge ne lui donne pas intégralement tort car il ne goûte guère les longs parcours, ne se mettant sur l’aile que contraint et forcé.
L’ami du jardinier se signale également par la grande variété de ses menus, passant sans sourciller d’une petite chenille dodue, au lombric voire à un petit gardon.
Eclectique aussi dans ses méthodes, il pratique aussi bien l’affût que la billebaude, fouillant l’humus, brassant les feuilles mortes, se réjouissant du passage d’un cerf ou bien d’un sanglier qui lui ont en quelque sorte mâché le travail.
Son double, du moins celui qui fût un temps considéré comme tel, se montre moins casanier.
S’il se déplace, en tous cas pour certaines de ses populations, il est aussi ponctuel qu’une montre suisse, et fait généralement son retour au plus tard le 15 mars. Et, souvent, le 15 mars exactement.
Insectivore, le rouge-queue ne dédaigne pas l’abri de nos auvents pour y élever, les années fastes, une ou deux nichées.
Monsieur passe assez souvent son hiver sous le soleil de Grèce, ce qui rend d’autant plus étonnante la thèse d’Aristote qui aurait eu bien des occasions de le voir cohabiter avec notre petit commensal au plastron rouge.
Rouge-queue, Rouge-gorge, il en fallait bien un qui affiche une autre couleur : le bleu.
Un autre, au plastron bleu a des trajets un peu plus longs, encore que les distances un peu courtes qu’il parcoure, de l’estuaire du Tage à nos côtes atlantiques ne suffisent pas à le ranger parmi les grands migrateurs.
Qu’importe parfois l’effort migratoire, si l’oiseau nous apporte la beauté.
Il n’en pas avare avec un joli costume fait de bleu pour le poitrail et de douces teintes orangées pour ses rectrices.
Et puis il y a son chant qui témoigne de ses dons fabuleux dans le talent d’imitateur.
C’est à vrai dire un riche pot-pourri qui empreinte à de nombreuses espèces.
Croyez-moi, ce petit oiseau est un grand compositeur.
Il y ajoute, telle une grâce naturelle, ses vols papillonnants et ses descentes en parachute que tichodrome est bien le seul à pouvoir contester.
La gorge bleue est aussi un brillant chorégraphe à ses heures.
Ajoutez au tableau des mœurs souvent discrètes, des accouplements soigneusement dissimulés dans les herbes qui constituent son milieu, un nourrissage réservés aux fous de la patience et de la passion, vous aurez le portrait d’un petit oiseau qui détient tous les secrets de nos rêves, et, en quelques occasions, du bonheur
Les frontières naturelles et les arcanes sans cesse mouvantes de la taxinomie ne permettent pas d’en évoquer bien d’autres qui tel le monticule de roche, présent dans nos montagnes est classé dans une autre famille, pas plus que le merle d’Amérique (pourtant si beau) qui n’a pas le même écosystème
Sans parlez des autres, oiseaux rares ou bien accidentels que nous verrons, peut-être, un jour ou l’autre, apparaitre à l’ile de sein, comme la givre à joues grises, entre autres visites exceptionnelles.
La vie n’est pas limitée par des frontières, moins encore par des classements qui évoluent.
Comme la vie des oiseaux, sages et adaptables.
Les portes de l’espoir, de l’encore inconnu sont ouvertes.
Réjouissons-nous sans restriction de la présence de ces 9 neufs espèces fidèles qui avec des nuances plus ou moins subtiles viennent égayent nos hivers, nos printemps et nos automnes, une part de nos été s’ils ne sont pas trop occupés par la mue ou par la fin de nourrissages tardifs ou la préparation du prochain voyage.
Surveillons donc, dans nos jardins, le retour de notre Rouge-Gorge familier, soyons témoins de la formation de ses couples, en décembre.
En observant dans en des endroits plus sauvages, ses haltes migratoires.
Et misons pour le prochain avril sur des nichées réussies.
Dès février, admirons les belles chansons des grives musiciennes, sans négliger les strophes renaissantes des merles.
Plus tard viendront peut-être les sifflets de la Grive mauvis, les « tia tia » de la litorne.
Et si vous avez la chance d’être là, au bon moment, vous aurez la joie de les voir en migraction active, en nombre et à faible altitude sous un soleil complice.
Le sourire, la douceur de vivre seront vos compagnons.
Après une charmante soirée familiale, n’oubliez pas que les gorges bleues sont arrivées depuis les premiers jours de mars, toutes disposées à vous ravir pour peu que vous sachiez être discrets, prêt à patienter, à vous faire tout petits. Plus petits que cela encore.
Vous aurez alors rempli votre âme et votre cœur d’émotions, de joies communicatives et d’une joie de vivre hautement contagieuse.
Ce faisant, vous profiterez, en prime, du chant si remarquable du Rossignol philomèle qui se trouve classé dans une famille voisine, fait qui ne l’empêche en aucune façon, d’irradier le printemps.
Merci à vous, amis et parents de la grive !