On s’interroge souvent sur le calendrier de l’oiseau.
L’opinion dominante est qu’il n’en a guère ou que celui qu’il suit est aléatoire, incertain, fluctuant.
Les conditions climatiques ou simplement météorologiques y tiennent un grand rôle.
On voit ainsi les hirondelles revenir une semaine plus tôt ou deux semaines plus tard et il en est de même pour d’autres comme la Gorge bleue ; les mêmes causes produisent les mêmes effets sur les dates de départ, celles de la mue et, entre autres, de l’arrivée de la tenue nuptiale.
Le cycle vital de l’oiseau suit celui de la nature, même à court terme, sans qu’il soit nécessaire d’évoquer les conséquences du réchauffement climatique, pourtant bien réel.
Migrateurs ou sédentaires, tous les oiseaux sont concernés.
Evidemment, ces quelques lignes sont plutôt destinées à ceux qui ne voyagent guère, ceux qui font le contraire ayant l’occasion de voir, ailleurs, l’été en hiver ou l’hiver en été.
Nonobstant ces variables de toute nature, il est vraiment plaisant de suivre les saisons de l’oiseau, attentivement, patiemment, dans le même territoire.
Concernant les migrateurs, il manque à chaque fois une saison.
Pour prendre deux exemples, le printemps et l’été sont les périodes les plus fastes pour observer, admirer la vie conjugale et familiale du Guêpier d’Europe ; à ne pas voyager, on manque l’occasion de savoir quelle est exactement la vie d’un Guêpier en hiver.
Quand vient l’automne, l’ami des oiseaux a le grand bonheur de suivre, pas à pas, l’hivernage des Grues cendrées.
Il manquera par contre, pour elles, l’arrivée sur l’aire de reproduction, l’accouplement, la construction du nid, la naissance des poussins.
Mais au fond, les deux situations sont également enthousiasmantes et ont des points communs.
La passion, la patience, permettent parfois d’entrer dans l’intimité du Guêpier et même dans celle de la Grue, en général très farouche, mais conciliante à ses heures.
Il ne faut compter ni ses heures, ni ménager ses efforts. Avoir appris autant de choses que possible sur leurs mœurs, leurs biotopes, et…leur calendrier.
Le Guêpier nous arrive dans les tout premiers jours de mai, s’installe, après avoir minutieusement inspecté les lieux, offrant, en ces circonstances, des vols somptueux.
Et puis viennent les offrandes, les premiers accouplements, dont le tempo se croise avec le creusement ou la réfection des terriers.
Mai est sans conteste, le mois le plus riche et le plus beau de son séjour.
Vient vite une forme d’éclipse ; au fur et à mesure que juin déroule ses journées, le Guêpier se montre de moins en moins sur ses perchoirs habituels : il couve ! Si on ne le voit plus guère, on l’entend, changeant de registre vocal, lors des relais entre époux.
C’est le temps d’admirer ses voisins, les Martins-pêcheurs et la Tourterelle des bois, ou bien d’aller ailleurs en patientant.
Ceci en vaut la peine ! Dès que juillet commence, le nourrissage prend place, d’abord timide, puis de plus en plus intense, suivant en cela la croissance des enfants.
C’est un spectacle merveilleux. Un couple, parfois aidé par son assistant arrive au nid toutes les cinq minutes, et bientôt toutes les deux minutes. Trois adultes se pressent à l’entrée de la galerie, porteurs de proies.
Vient un beau jour, où, des entrailles de la terre surgissent des appels enfantins, des voix fluettes, aigües, sollicitant vigoureusement la becquée qui se fait trop attendre à leur goût.
Bientôt, de plus en plus affamés, ils vont se hasarder au bord de la fenêtre, curieux et indisciplinés, surveillant le ciel dans tous ses azimuts.
De somptueuses chorales viennent enrichir encore la scène et les souvenirs.
Le temps approche qui les verra un matin faire le grand bond vers la vie. L’émotion atteint son comble lorsque l’on peut être témoin de leurs tout premiers vols.
Dès octobre, les premiers vols de Grues survolent nos maisons, nous signalant, à grands renforts de trompettes, qu’elles sont de retour.
Pendant les cinq mois qu’elles passeront près de nous, leur vie quotidienne a toutes les apparences d’une valse à deux temps. Elles passent la nuit au dortoir, les pattes dans l’eau, et le quittent, dès l’aurore pour rejoindre les champs de maïs sur lesquels elles vont glaner leur nourriture.
On commence par aller assister au merveilleux spectacle de leur rentrée, le soir au crépuscule, presqu’à la nuit tombée. C’est simplement grandiose, avec son et lumières. De superbes ombres chinoises se profilent à l’horizon ; l’admiration est de mise.
Mais la passion et la patience font le reste.
Dès le pic migratoire atteint, à fin novembre, on se pique de curiosité, et, avec beaucoup de chance et de temps on découvre leurs restaurants et l’on arrive un jour à boucler la boucle, en observant, un peu avant la nuit, le départ vers les dortoirs.
Entre temps, c’est un autre monde qui s’offre à l’ami des oiseaux.
Les enfants, dont on ne pouvait guère qu’entendre les sifflets aigus, ressemblant parfois aux trilles d’un passereau, lors des visites crépusculaires, sont là, cette fois-ci en plein jour, dans leur costume beige discret.
La vie de famille est essentielle pour la Grue.
Elle migre accompagnant ses enfants, leur montrant le chemin, les étapes, et leur apprenant la conduite à tenir face aux dangers.
Ceux-ci ne seront pleinement adultes que passé l’âge de 4 ans.
Il est rare de voir ces immatures éloignés de leurs aînés ; peu à peu on discerne les subtiles différences qui marquent leurs années, première ou bien seconde, troisième ou bien dernière.
Les vols nous laissent admiratifs, dans l’attente des premières parades.
On sait, bien entendu, que l’augmentation de la durée du jour influe sur les hormones et donc à la fois sur le comportement et l’activité migratoire.
Lorsque les premières parades ont lieu, en forme de querelles apparentes, il est temps de faire le deuil des visites dont on a apprécié la douce habitude. Le départ vers les aires de reproduction est imminent.
C’est chose faite brutalement, le jour suivant.
Bien triste de devoir se passer de la présence si merveilleuse de la Dame grise, on se réjouit tout de même de l’infaillibilité de son sûr instinct, gage de réussite des prochaines naissances.
Le prochain automne n’est pas si lointain, et entre temps, d’autres oiseaux, dont le Guêpier reviendront meubler nos rêves.
Tous les oiseaux ont leurs saisons et nous les faisons nôtres de grand cœur ; l’aventure n’a de cesse au pays des oiseaux et leur histoire est si belle.