Vêtu de pourpre

Dès la fin du mois de mars, ce Héron aux couleurs remarquables nous revient d’Afrique.

Eu égard au Pourpre qui orne son plumage, on pourrait l’appeler le Héron Cardinal si les tailleurs des temps anciens, n’avaient pas confondu le Pourpre et le Carmin sur les habits destinés aux hauts dignitaires qu’étaient déjà les Cardinaux de la Rome antique.

De nos jours, nos amis espagnols ont traité autrement et, peut-être plus opportunément, la question en lui donnant le nom de Garza imperial.

Va pour impérial !

Légèrement plus petit que son proche cousin le Héron cendré, il ne mesure, en hauteur, que 90 centimètres et il lui rend donc, sous la toise, près de 10 centimètres ; son envergure est également plus modeste, car il se contente d’1m.35 contre 1m.85 pour le Cendré. Sur la balance, les choses s’équilibrent et l’on pourrait être tenté de dire que, finalement, le Pourpré est plus dense.

Ils ont en commun bien des aspects de leurs mœurs et aussi des voix proches avec une tonalité plus haute pour le Héron pourpré.

Mais des nuances et des spécificités peuvent naître l’intérêt, la passion, et le respect.

Outre ses scapulaires ornées de Pourpre, on le reconnait aisément à la jolie ligne noire qui part de la base et son bec, longe le cou pour rejoindre le poitrail, et aussi à la longueur de ses griffes, surdimensionnées pour faciliter ses déplacements dans la phragmitaie et l’aider à se percher sur les arbres qu’ils soient saules, pins ou peupliers.

Sensiblement plus rare en France, le Héron pourpré n’y construit que 2000 nids alors que la moyenne s’établit à 30 000 pour le Héron cendré.

Quinze fois plus !

C’est dire toute la chance que l’on a d’avoir près de chez soi, une petite colonie de Pourprés.

Suivre intégralement sa saison de reproduction apprend des tas de choses sur un oiseau que l’on connaît depuis longtemps ou que l’on croyait connaître.

Une fois encore, l’oiseau se montre un excellent professeur.

Ses colonies comportent en général de 10 à 50 nids. D’autres dépassent la centaine en des endroits privilégiés comme la Camargue.

Mais on peut observer des micro- colonies de 2 à 3 couples, voire se retrouver dans certains cas extrêmes, en présence d’un couple isolé.

Affaire de circonstance mais surtout de biotope.

La mienne (si j’ose dire) est composée de 18 nids.

A la liste des régions dans lesquelles il se reproduit, avec en tête de liste la Camargue, les Dombes, la Brenne, la Charente-Maritime, il faut donc ajouter l’Aquitaine.

Grand migrateur, il hiverne en Afrique, au Sud du Sahara.

Sa migration pré nuptiale commence à la mi-mars et se poursuit jusqu’en juin pour les nicheurs les plus septentrionaux.

A son retour, il occupe les territoires les plus enviables et de nombreuses querelles éclatent à l’occasion de cette conquête.

Ensuite commencent les parades.

Le bec dressé vers le ciel, toutes plumes hérissées, le mâle attire l’attention de la femelle qui lui répond par des saluts parfois accompagnés de claquements de bec.

Cette posture de parade semble lui tenir à cœur car il la reproduit pendant toute la saison y compris lorsqu’il vient nourrir ses jeunes.

Mieux encore, ces derniers, déjà grands, se mettent eux aussi en posture de parade pour quémander leur nourriture.

Elle semble donc innée, élément du génome.

Les nids sont construits à neuf chaque année ; il s’agit d’une coupelle assez lâche composée de brindilles qui sera soigneusement entretenue pendant toute la saison de reproduction et devient donc progressivement plus large, plus haute et plus solide. Il faut bien prévoir le poids de 4 ou 5 jeunes qui auront pratiquement la taille d’un adulte avant de quitter ce nid.

Les matériaux sont souvent puisés dans l’arbre lui-même, bien qu’après quelques essais infructueux, l’oiseau se résigne à aller les quérir au sol.

La ponte commence vers le 15 avril.

Quatre ou cinq œufs sont pondus et seront couvés pendant 26 jours par les deux parents, alternativement.

Les relais entre époux sont souvent espacés de plusieurs heures. Ceci s’explique par les aléas de la partie de pêche qui peut conduire souvent le Pourpré à plusieurs kilomètres de son site.

A chaque retour, une sorte de danse rituelle est effectuée avec des allures de parade.

Elle semble avoir pour rôle essentiel d’apaiser les craintes du couveur en place, toujours très vigilant.

Après deux minutes de ces échanges amoureux, l’arrivant s’installe sur les œufs, prenant son tour de garde, tandis que son conjoint s’envole vers les lieux de pêche.

Le menu, composé essentiellement de poissons, est très varié, et peut comprendre aussi grenouilles, tritons, couleuvres ou lézards, micro mammifères, crustacés, mollusques, jusqu’à des oisillons.

Enfin, les premières naissances ont lieu. Puisque la couvaison commence au premier œuf pondu, il peut y avoir des différences d’âge importantes (jusqu’à une dizaine de jours) au sein de la même fratrie.

Dès l’âge de dix jours, on peut apercevoir les héronneaux sur leur nid.

Ils ne s’en éloignent pas, et on a beau suivre les premiers entrainements au vol à force battements d’ailes, il faudra attendre qu’ils atteignent l’âge de 7 semaines pour assister aux premiers vols.

Les nourrissages, assurés par les deux géniteurs, sont assez espacés : de deux à quatre heures en moyenne.

Ils ont toujours lieu sur le nid, rien n’y fait, malgré ce qui semble être des tentatives de l’adulte, sans doute un peu impatient, le temps passant.

Très vite, on entend de petits cris aigus, répétitifs qui ne peuvent être attribués à aucun autre occupant des lieux. Les jeunes pourprés manifestent ainsi leur faim.

Le nourrissage a lieu par régurgitation, l’adulte déverse une sorte de bouillie dans leur gosier.

Au fur et à mesure de leur croissance, les jeunes deviennent plus exigeants, se jetant sur le bec de l’adulte.

Dès qu’ils sont rassasiés, ils cessent leurs petits cris, et le silence revient…pour quelques larges instants seulement.

Ils se montrent plus aisément aux abords du nid, franchissant les quelques centimètres qui les séparaient d’une branche plus dégagée.

Mais, claustrophiles de naissance, ils regagnent bien vite la sécurité du feuillage

Et même lorsqu’ils commencent à visiter leurs environs, ils n’oublient pas que le repas est servi au nid. Ainsi, trois jeunes partis sur la lagune proche, sont-ils revenus précipitamment au nid, suivant l’adulte nourricier qui venait de s’y poser.

Ils sont alors capables alors de notes plus graves, mais continuent à user de leurs petits cris d’enfants lorsqu’il s’agit de réclamer la pitance.

Avec le mois de juillet qui se termine, l’heure de la dispersion arrive.

Et pourtant, un 29 juillet, j’ai été témoin de deux nourrissages concernant les enfants les plus jeunes de la colonie.

Ils avaient cependant 10 semaines !

Le Pourpré a donc finalement le record de son cousin cendré, pourtant généreux, avec ses 8 semaines de nourrissage.

La migration post nuptiale va alors bientôt commencer.

Créé le 27/08/2017 par Patrick Fichter © 1996-2024 Oiseaux.net