Coucous en filature

Au printemps 2011, des ornithologues anglais ont muni 5 coucous adultes de balises Argos très miniaturées et à faible consommation électrique. Elles ont permis de suivre en permanence, via satellites, le positionnement des oiseaux au cours de leur migration à destination et au retour de leur région d'hivernage dans la forêt tropicale du Congo.

Les nombreux enseignements tirés de cette expérience ont modifié, voire bouleversé les connaissances antérieures que l'on avait des déplacements migratoires de ces oiseaux populaires et emblématiques.
La première surprise concernait le départ vers l'Afrique de quatre d'entre eux au cours de mois de juin déjà. L'un des coucou a même quitté l'Angleterre dès le 5 juin alors que la population des Coucous gris ne revient en Europe qu'au mois d'avril. Leur présence y serait donc bien plus courte que celle jusqu'ici admise.
Coucou gris en vol © Aurélien Audevard
Plus étonnant encore est le comportement très individualiste et différencié de ces oiseaux pour effectuer leurs migration . Aussi, pour bien les distinguer, chacun a-t-il reçu un nom particulier. Au cours d'une première étape, trois d'entres eux ont rejoint, toujours séparément, la plaine du Pô, région où beaucoup d'autres oiseaux migrateurs vers l'Afrique font traditionnellement halte.
Kasper et Chris ont survolé la Mer du Nord, la Belgique et la Suisse en passant par des régions frontalières d'Allemagne et de France. Martin a pris une route orientée nord-est et sud-est de la France pour franchir les Alpes du Sud de moindre altitude.
Clement et Lyster ont choisi, chacun à part, une toute autre option. Ils ont traversé la Manche puis la France pour rejoindre d'abord l'Espagne, le premier longeant en dernier la côte méditerranéenne , le second en franchissant les Pyrénées. Après avoir fait une pause durable au Nord de Madrid, leur itinéraire les a conduit à traverser la Méditerranée puis le Maroc, la Mauritanie, le Mali, le Cameroun et le Niger. Sur cette route longue de 3600 km, bien qu'évoluant souvent à moins de 70 km l'un de l'autre, ils sont restés séparés. C'est la première fois que cette trajectoire ouest-africaine a été observée de la part de coucous partant de Grande-Bretagne. Elle est considérablement plus allongée que celle centrale jusqu'ici connue, mais obligeant de parcourir le Sahara sur 2000 km. On sait que le franchissement des déserts constitue le plus grand risque de mortalité pour toutes les espèces hivernant en Afrique sub-saharienne.
Coucou gris © Didier Collin
C'est le trajet qu'ont adopté Kasper, Chris et Martin. Après s'être étoffés pendant près d'un mois
d'une bonne enveloppe énergétique de graisse dans la bénéfique vallée du Pô, ils ont été capables de traverser rapidement la Méditerranée, sans halte en Corse, Sardaigne ou Sicile, et à la suite de survoler soit la Tunisie, l'Algérie et le Niger, soit la Libye, le Niger ou le Tchad.
Fin novembre, tous les cinq coucous étaient arrivés au Congo, y compris les deux qui avaient effectué le trajet bien plus long C'était la première fois où tous se trouvaient dans la même région depuis leur départ de Grande Bretagne
Le retour périlleux, voire fatal pour certains, des cinq coucous anglais sera relaté dans l'édition du magazine du 08 octobre prochain.

Créé le 09/09/2012 par Gilbert Blaising © 1996-2024 Oiseaux.net