Dans notre région, la migration automnale des oiseaux atteint son point d'orgue avec le transit par milliers des Grues cendrées. Le passage est joué en "forte", tant leurs cris de contact krrou-krrou sont claironnants et audibles de loin, jours et nuits.
Les grues qui traversent la Loraine viennent principalement des pays scandinaves et baltes où elles ont niché en couples solitaires. Après s'être rassemblées en août et septembre sur l'île suédoise d'Öland, elles gagnent en grande partie l'île de Rügen et ses environs, sur la côte sud de la Mer Baltique. Le grand voyage commence fin octobre et se poursuit par vagues jusqu'en décembre.
A part quelques milliers qui restent à présent en France et autant qui se rendent traditionnellement au Maroc, le gros de la centaine de milliers que compte la population d'Europe occidentale, hivernera dans la péninsule ibérique, surtout en Estrémadure. Là-bas, les glands produits par les immenses chênaies deviennent le met essentiel du menu, ailleurs très différent.
Le survol de la France se fait dans un couloir aérien large d'environ 200 km qui traverse notre pays selon une diagonale allant du nord-est au sud-ouest, incluant la Lorraine à l'une des extrémités.
La vitesse de vol des grues se situe entre 40 et 80 km/h. Elles sont donc capables de parcourir la France en une journée.
Cependant le vol battu que pratiquent ces oiseaux est grand consommateur d'énergie, au contraire du vol plané des cigognes et milans, par exemples. C'est ainsi que les grues interrompent leur trajet migratoire par des haltes plus ou moins durables pendant les lesquels elles se reposent et reconstituent leurs réserves énergétiques. Ces haltes ont lieu sur des zones qui assurent à ces oiseaux très farouches, le calme et la sécurité pour le repos de la nuit, ainsi que pour le jour, les ressources alimentaires qu'offrent les résidus sur les éteules, en particulier de maïs, labourées tardivement.
A cet égard, le lac du Der-Chantecoq près de St. Dizier en Champagne humide est devenu l'un des principaux sites de stationnement d'Europe occidental. Son importance est sans égal avec les quelques sites Lorrains qui hébergent temporairement des groupes de ces oiseaux. Depuis la mise en eau de ce lac en 1974 et son classement en réserve, 30 à 70 % des ces grands migrateurs y stationnent régulièrement. Bien des activités et ouvrages humains sont néfastes aux oiseaux. Les lacs artificiels de la Champagne, voire de la Moselle et de la Meuse sont des exemples contraires.
En matière ornithologique, le lac du Der mérite un "trois étoiles". En novembre surtout, il vaut le détour.. Depuis des années une foule d'amoureux de la nature, voire seulement d' amateurs de sensations, ne s'y trompent pas. Les curieux de France et des pays voisins viennent par bus entiers les week-ends.
Ils sont rarement déçus. Les milliers de grues, s'étant reposées la nuit sur les îlots du lac, qui partent le matin au gagnage et en reviennent le soir en grandes formations, présentent un ballet, son et lumière, grandiose et incomparable. Un tel rassemblement d'animaux à l'état sauvage est unique dans tout l'Est de la France et dans les régions limitrophes d'Europe.
De plus, les actrices de ce spectacle ont toutes les qualités pour impressionner. Empanachées,
très élancées, au port altier et aux mouvements gracieux, elles ont un air de noblesse majestueuse et n'auraient pas déparé, aux cotés des grandes dames de la Cour, le Parc de Versailles sous Louis XIV