L'hiver est la meilleure période pour apercevoir cet oiseau magnifique. Le froid, le givre et la neige le poussent à fréquenter les mangeoires installées dans nos jardins où les arbres dépouillés de leur feuillage ne dissimulent plus la superbe livrée des mâles.
Bouvreuil pivoine, mâle © Gilbert BlaisingLes cotés de la tête, du cou et le devant du corps rose vif ou rouge intense, la tête coiffée de noir et le dos gris bleuté forment une harmonie de couleurs propre à inspirer les grands couturiers. Son plumage dense et lisse lui donne un aspect satiné qui accentue la beauté de cet oiseau.
Son croupion blanc est un signe sûr pour son identification en vol. Parmi les passereaux visibles dans notre région en hiver, seul le Pinson du Nord, visiteur sporadique, possède une caractéristique similaire, mais elle ne peut pas prêter à confusion avec le bouvreuil.
Son allure trapue, sa tête aplatie engoncée dans un cou épais, ont valu à cette espèce son nom de bouvreuil ( "petit boeuf » ) De plus, sa silhouette massive conduit à se méprendre sur sa taille qui n'est pourtant qu'un peu plus grande que celle du Moineau domestique.
Bouvreuil pivoine, femelle © Jean CharennatDans notre région, ces oiseaux sont communs, mais jamais abondants. Ils évoluent par paires ou en petits groupes, rarement en bandes importantes. C'est une espèce arboricole presque toujours perchée dans les branches des arbres et grands buissons dont le feuillage cache leur apparence voyante. Leurs habitudes de déplacements rapides et discrets soustraient le plus souvent ces oiseaux à notre observation. Même les initiés ne les repèrent la plupart du temps qu'à leur cri sonore, flûté et plaintif : duh...tiuh...Autrement leur chant est assez insignifiant et faible. Pour attirer les femelles et revendiquer leur territoire, les mâles n'ont pas besoin d'un ramage remarquable, leur plumage suffit, à l'inverse d'oiseaux aux robes mimétiques comme le Troglodyte mignon ou l'Accenteur mouchet, obligés de séduire la femelle ( ou repousser le rival ) par un chant musical et fort.
Bouvreuil pivoine, mâle © Jean CharennatL'habitat des bouvreuils pivoine est constitué par les lieux boisés, de préférence riches en buissons touffus: bois et forêts à peuplement mixte de résineux et de feuillus, parcs et vergers. Ce sont des végétariens se nourrissant, à terre et jusqu'à 10-15 m en hauteur, de semences, graines et bourgeons d'une grande diversité de végétaux. Il leur arrive de causer quelques dégâts dans les vergers. Mais ces oiseaux n'agissent jamais en masse, comme les étourneaux. Pendant la nidification - nourrissage des oisillons oblige - quelques insectes complètent le menu.
Ce régime explique en grande partie pourquoi cette espèce ne craint pas le froid et s'accommode de passer l'hiver dans nos régions où à l'occasion elle est seulement erratique dans un rayon de 50 km. Il arrive couramment que nos populations indigènes soient augmentées en hiver par des oiseaux venus du nord de l'Europe où les ressources alimentaires peuvent se raréfier à cause de conditions météorologiques extrêmes, comme un manteau neigeux épais et durable. Pendant la belle saison, cette espèce est cependant très à l'aise jusqu'au nord de la Scandinavie et de la Russie et en France jusqu'à 2200 m en montagne. A l'inverse les bouvreuils pivoines sont absents ou rares à basse altitude dans nos régions méditerranéennes.
Bouvreuil pivoine, mâle © Jean CharennatIl n'est donc pas étonnant que le réchauffement climatique, constaté depuis un certain nombre d'années ait un impact défavorable sur la présence de cette espèce en Europe de Sud et de l'Ouest, la France en particulier. Des chercheurs du Muséum d'histoire naturelle ont mis récemment en évidence une corrélation chez certaines espèces, dont le Bouvreuil pivoine, entre les printemps chauds des dix dernières années et le déclin de leur taux de reproduction. D'autres oiseaux, comme les rouges-gorges et les pinsons des arbres ont au contraire profité de ce changement climatique. Maigre consolation, car si cette évolution se poursuit, la biodiversité dans nos régions prendra un autre coup, en sus de ceux déjà provoqués par la disparition ou la réduction drastique de nombreux et riches milieux: zones humides, marais, roselières, pelouses calcaires, vergers etc.
Partant de ces inquiétantes constatations, réjouissons--nous d'autant plus de pouvoir observer cet oiseau si beau et, en cette saison, si insolite lorsqu'il surgit comme une boule lumineuse dans nos ternes jardins.