Pas rare du tout, mais peu vu, car il est minuscule avec un plumage neutre et mimétique, très remuant et furtif sous le couvert de la végétation basse qu'il préfère et où il se faufile comme une souris entre les racines et les branches. Ses vols rasants, ailes vibrantes, sont généralement très courts et très rapides
Mais lorsqu'il se perche brièvement sur une branche basse ou une souche d'arbre, il n'y a pas à se tromper: une toute petite boule de plumes brunes piquée d'une courte queue le plus souvent dressée en point d'exclamation.
Mais bien plus exclamatif est son chant. On ne peut que s'étonner qu'un oiseau aussi petit puisse émettre une vocalise aussi puissante ( 96 DB à un 1m ) audible au-delà de 200 m. ; c'est une strophe lancée à intervalles assez longs qui comprend une répétition de motifs simples, aigus et stridents suivis d'une série de sifflets brefs puis d'un trille soutenu.
Doté d'un plumage insignifiant, le mâle est bien obligé de claironner ainsi pour attirer les femelles. Mais ses ardeurs ne peuvent s'arrêter là. Lors de la saison des amours, il construit plusieurs structures de nids. La femelle qu'il a réussi à séduire les examine. Ou elle en adopte un, dont elle termine soigneusement l'intérieur ou elle file sur le territoire d'un autre mâle si tous les "gros oeuvres" lui paraissent mal placés ou mal faits. En amour la négligence ne pardonne pas!
Le Troglodyte est bien nommé puisqu'il installe de préférence ses nids dans une cavité : trou dans un arbre, mur, talus, mais aussi entre les racines découvertes d'une souche, dans les interstices d'un fagot, d'un amas de briques, d'une pile de rondins etc.
La femelle y pond ses 5 à 7 oeufs dès la mi-avril et en assure seule l'incubation qui dure de 14 à 16 jours. Pendant cette période, elle ne reçoit aucune assistance alimentaire de son partenaire qui ne s'intéresse généralement à la nichée qu'à son envol. Dès lors, pendant une semaine, il accompagne ses oisillons, les nourrit sporadiquement et le soir les conduit à un gîte, généralement un de ses nids où les jeunes passent ensemble la nuit, sans leur père.
Il n'accomplit donc pas ses devoirs paternels et conjugaux de façon exemplaire ( à l'aune des humains ..) Mais, madame le lui rend bien. Lors de la seconde ponte en juin, elle change parfois de partenaire en passant sur le territoire d'un voisin où l'ancien compagnon hésitera à pénétrer, car solitaire et indépendant chaque mâle revendique sans partage et belliqueusement au besoin, son canton qui est en moyenne d'un hectare. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. A ces moments, ils cherchent la compagnie de leurs semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et ainsi se réchauffer les uns contre les autres. Comme quoi la mutualité a bien des avantages dans les situations difficiles.
L'hiver est dur pour ces insectivores. Certes à terre ou dans les fourrés bas où ils se nourrissent essentiellement, il y a encore pendant cette saison plus d'insectes et araignées que dans les étages moyens et élevés de la végétation. Mais lorsque le gel ou le manteau neigeux perdurent, la situation devient très critique pour eux et certaines années, beaucoup périssent. Des comptages effectués sur un même itinéraire de 16 km avaient révélé qu'après l'hiver rigoureux de 1985, le nombre de mâles chanteurs était tombé à 19 alors qu'à la même époque de l'année précédente, on a pu en dénombrer 48. Ce nombre, toutefois était à nouveau reconstitué en 1989.
Ces risques concernent tous les oiseaux sédentaires, particulièrement ceux qui ont un éventail alimentaire étroit, comme cette espèce. D'autres insectivores plus éclectiques, comme l'Accenteur mouchet et /ou fréquentant les mangeoires, comme la Mésange charbonnière, sont moins exposés. La population de nos troglodytes autochtones, dans nos régions tempérées de plaine, est augmentée l'hiver par des migrateurs fuyant les pays du Nord et de l'Est ou dans certains endroits par ceux descendus de la montagne où ils nichent jusqu'à 2400 m.
Mais le froid n'est pas le seul ennemi des troglodytes. En raison de la situation des nids en faible hauteur et de l'évolution de ces oiseaux, le plus souvent près ou sur le sol, petits et adultes sont très vulnérables, aux belettes notamment et près des agglomérations, surtout aux chats domestiques, voire à l'action des hommes, lorsque ceux-ci débroussaillent et nettoient jardins, talus et berges pendant la période de nidification.
Cependant grâce à sa large répartition et à son éclectisme quant aux milieux fréquentés, pourvu qu'ils comportent une végétation basse et touffue, cette espèce n'est pas actuellement menacée, au contraire de bien d'autres comme le Traquet tarier, la Pie grièche grise, voire les hirondelles.