La migration des oiseaux est un phénomène aussi stupéfiant que complexe. Grâce aux baguages, aux radars et aux balises Argos, nos connaissances ont sensiblement progressé au cours des dernières décennies. Mais bien des questions n'ont encore pour réponse que des hypothèses.
Pourquoi les martinets nous quittent-ils dès la mi-juillet, alors que les insectes dont ils se nourrissent sont encore abondants ? Il est cependant incontestable que la diminution, voire la disparition des ressources alimentaires contraint en général les oiseaux à se déplacer.
Mais d'autres facteurs interviennent. Les oiseaux obéissent à une "horloge interne", système complexe qui, via leur les glandes endocriniennes détermine leur rythme de vie annuel. Cette "horloge interne" s'est lentement constituée au cours des millénaires qui ont vu les espèces devoir s'adapter à de longues périodes de glaciations. La dernière a commencé il-y a 70 000 ans et s'est terminée il y a 15000 ans. Rappelons que nos espèces d'oiseaux actuels se sont différencié au quaternaire dont le début remonte à 1,64 million d'années. Le déterminisme interne bien imprégné n'est donc pas modifiable à courte échelle en fonction de contingences circonstancielles.
Ceci n'empêche pas des espèces de changer certains comportements migratoires dans un intervalle de temps restreint. C'est ainsi que 10% des Fauvettes à tête noire nichant en Autriche et en Allemagne ont appris au cours des dernières décennies à hiverner au Sud de Angleterre tempéré, plutôt que dans leurs quartiers traditionnels sur les rives de la Méditerranée. Cette modification a raccourci considérablement leur voyage et leur donne l'avantage d'être plus rapidement au printemps sur leurs lieux de nidification pour y revendiquer un territoire propice à l'alimentation d'une progéniture.
Enfin, les conditions météorologiques sont susceptibles non seulement de décaler les dates de départ, mais également la durée du voyage. Les vents de Nord-Ouest à Nord-Est ont été identifiés comme les plus favorables à l'amorce du départ qui, à l'inverse, peut être retardé par des nuages épais, de la pluie et des forts vents de direction défavorables. Les Cigognes blanches qui se déplacent en vol plané sont obligées d'interrompre leurs voyages en l'absence d'ascendances thermiques. L'impact des conditions météorologiques varie évidemment en fonction de l'amplitude du trajet génétiquement propre à chaque espèce
Il y a les migrateurs au grand cours qui rejoignent l'Afrique et ceux à moyen cours qui hivernent dans le Sud et l'Ouest de l'Europe. Les autres sont communément considérés comme sédentaires. Or, très peu d'espèces le sont véritablement : la plupart des pics, les moineaux des villes, les rapaces nocturnes telles la Chouette effraie et la Chouette hulotte.
La grande majorité des résidents considérés comme permanents, sont donc en fait également des "vadrouillards" qui se déplacent, souvent en bandes erratiques, sur des dizaines, voire des centaines de km à la recherche de leur pitance. Pendant que les uns partent, les autres de la même espèce arrivent C'est le grand chambardement des populations. Ne nous y trompons pas, bien des oiseaux qui fréquentent nos jardins en hiver sont venus des contrées froides de l'Europe. Le Rouge-gorge familier qui béquette sous la mangeoire, n'est pas celui de l'année dernière, ressorti du bois à proximité où il a niché, mais un voyageur chassé de Suède ou de Pologne par les rigueurs de la mauvaise saison qui tarissent les ressources alimentaires, insectes en particulier.
Quant aux espèces hivernant une grande partie de l'année en Afrique, mais nichant en Europe, sont-ils d'origine africaine ou européenne ? Entre scientifiques, la réponse reste controversée. Pour nous, le grand public, l'important est que ces migrateurs nous reviennent tous les printemps pour nicher, perpétuer l'espèce et nous réjouir.