Hirondelle rustique © Didier Collin
Le réchauffement climatique a déjà entraîné des modifications notables dans le comportement migratoire de certaines espèces d'oiseaux. Il est prévisible que ces changements se poursuivent et même s'accentuent avec des conséquences contrastées.
Des hirondelles hivernent maintenant en France au lieu de se rendre en Afrique. Celles qui y descendent encore partent plus tard et reviennent plus tôt. Les périodes de froid étant moins rigoureuses dans les pays septentrionaux, les oiseaux qui y nichent viennent à présent bien moins nombreux chez nous pour y passer l'hiver..
Oie cendrée © Vincent Palomares
Il s'agit d'oies, canards, fuligules, harles, limicoles et même de certains passereaux, comme les pinsons du nord, les tarins des aulnes, les sizerins flammés etc.
Les migrations étant ainsi écourtées, les oiseaux concernés font, en grande partie, l'économie des énormes dépenses d'énergie qu'exigeaient ces voyages au long cours et qui étaient la cause d'une importante mortalité à coté des accidents, de la prédation et de la chasse.
Un autre avantage pour ceux qui peuvent et pourront renoncer à hiverner en Afrique subsaharienne consiste dans le fait que l'espèce échappera dans le futur à la pénurie de pitance liée à la désertification des régions sahéliennes, à l'assèchement des zones humides tropicales et à la montée présumée de la mer qui envahira les vasières des estuaires riches en nourriture et donc indispensables aux haltes alimentaires.
Courlis cendré © Jean-Marie Poncelet
Cependant leur programme génétique commandera encore longtemps à d'innombrables oiseaux d'hiverner en Afrique. Dans le règne animal, les adaptations sont très lentes, un handicap très préjudiciable face aux bouleversements imputables aux activités humaines et infiniment plus rapides.
L'avantage pour beaucoup d'oiseaux d'Europe du Centre et du Nord de pouvoir écourter leur voyage saisonnier a pour contrepartie une redoutable menace. Beaucoup d'espèces nichent dans la toundra arctique parce que les larves d'insectes, moustiques en particulier, y pullulent l'été.
La Perruche à collier est nicheuse
dans les parcs de Nancy © Didier Collin
Or ce milieu, très vulnérable au réchauffement, est entrain de reculer au profit de la taïga. On estime que la toundra est condamnée à disparaître à terme, entraînant le déclin, voire la perte de très nombreuses espèces qui s'y reproduisent exclusivement, comme les cygnes de Bewick, les oies rieuses, les bernaches à cou roux et une grande variété de chevaliers et de bécasseaux.
En même temps, le réchauffement des eaux superficielles de l'Atlantique modifie la répartition des poissons et donc des oiseaux qui s'en nourrissent. La distance qui sépare les zones de pêche des falaises où macareux, mouettes tridactyles, guillemots de treuils et fous de bassan nichent s'est considérablement allongée au point que les parents ont de plus en plus de peine à procurer la nourriture à leurs jeunes. Ces espèces risquent donc de quitter nos côtes et nos îles pour suivre le déplacement vers le Nord du phytoplancton qui est à la base de toute la chaîne alimentaire marine.
En considération de ces constats et des perspectives qu'ils anticipent, nous pouvons nous attendre à des changements profonds touchant la composition et la répartition de la faune aviaire qui fréquente notre territoire. Ces évolutions imputables au réchauffement du climat vont se combiner au déclin de biens des espèces observé depuis un certain nombre d'années et provoqué par les activités humaines, en particulier les pratiques agricoles qui emploient de façon massive des pesticides sur de vastes espaces de monoculture. Les inventaires scientifiques ont révélé qu'entre 1989 et 2009, les nicheurs en milieu agricole ont diminué de 25%.
Certes, les oiseaux ne risquent pas de disparaître pour laisser des - Printemps silencieux - Au contraire, certaines espèces, dites - généralistes -, prospèrent, car plus adaptables à une grande variété de milieux. C'est le cas par exemple des pigeons ramiers, des mésanges charbonnières, des fauvettes à tête noire. Globalement toutefois, notre faune aviaire qui était considéré comme la plus riche d'Europe tend et tendra vers la banalisation et l'uniformisation. Mais les Français, urbanisés à plus de 80%, en prendront-ils seulement conscience pour éventuellement le déplorer et réagir ?