© Jean-Louis CorsinLa pénurie alimentaire des oiseaux est entrée dans sa phase la plus cruciale. La plupart de nos insectivores strictes, comme les pouillots, rousserolles et fauvettes, ont migré par instinct ancestral vers des zones d'hivernage plus propices à leur régime idoine, en Europe du Sud et de l'Ouest ainsi qu'en Afrique. Cependant, bien des espèces granivores et/ou omnivores restent dans notre région où elles sont rejointes par nombre d'individus ayant fui les rigueurs climatiques du Nord : rouge-gorges, pinsons, gros-becs, grives mauvis, jaseurs boréaux etc.
Par ces temps de disette, nombre de nos concitoyens ont pris l'habitude de proposer à ces hôtes habituels ou occasionnels de la pitance
Il y a encore des ornithologues qui sont contre le nourrissage artificiel estimant qu'il faut laisser faire la sélection naturelle pour maintenir le bon état sanitaire et typologique des espèces. Pourtant, au cours de ces cinquante dernières années les disponibilités alimentaires qui s'offraient à nos oiseaux se sont considérablement amoindries.
Les haies à baies bordant routes, chemins et champs sont bien moins nombreuses, voire rares. Les plantes non vivrières ou - mauvaises herbes - sont partout systématiquement fauchées et éliminées. Les prairies naturelles et les friches ont été rapetissées. Il est même interdit aux agriculteurs de laisser monter en graines les végétaux spontanés des jachères. Les jardins privés sont devenus en majorité de type horticole, avec des gazons ras souvent encadrés de haies de conifères soigneusement équarries et stériles. Les plantes à graines n'y ont plus leur place et guère les arbustes indigènes porteurs de baies : cornouiller sanguin, viorne, églantiers, obier etc. Ainsi, il est très ardu de trouver encore des orties dans les quartiers péri-urbains et les villages. Les grands arbres servant de perchoir et de refuge sont de plus en plus bannis ou sévèrement rabattus. La liste est longue des appauvrissements végétaux et donc des graines, fruits et insectes. Ceux parmi nous à qui leur âge donne un certain recul peuvent mieux la mesurer et la compléter de mémoire.
Le nourrissage des oiseaux effectué à bon escient est donc devenu très utile, voire indispensable à leur survie pendant la mauvaise saison où pluies prolongées, gel, givre et neige entravent l'accès à leurs aliments déjà raréfiés.
Le graines de tournesol et les boules de graisse qu'il est facile de se procurer dans le commerce forment les bases propres à satisfaire une majorité des espèces. Bien d'autres graines prélevées dans les fruits, légumes, et sur les plantes sauvages sont recommandées, mais plus fastidieuses à recueillir en quantité. Il est important que les graines restent au sec dans des mangeoires.
Sont totalement à proscrire les aliments salés comme le lard ou les cacahouètes à apéritif. Ils sont néfastes à leur métabolisme et exacerbent leur soif déjà difficile à étancher par gel sec. D'ailleurs, on doit concéder aux scientifiques encore frileux touchant le nourrissage, que la mise à disposition de l'eau aux oiseaux est à privilégier en tout état de cause. Lorsque les températures sont négatives, c'est une contrainte, car il convient à heures fixes- qu'ils sont aptes à mémoriser - de leur proposer de l'eau tiède qui mettra quelque temps à geler. Un plat à gratin en tôle émaillé est l'ustensile le plus approprié et le plus facile à nettoyer. La fourniture d'eau pour la soif et le bain est utile toute l'année. Au contraire, il convient d'arrêter le nourrissage début mars, sauf accident météorologique. Sinon, il y a risque de perturber la formation des couples et la recherche d'un territoire exclusif en vue de la reproduction.