Par sa longueur de 60-75 cm, son envergure de 145-175 cm, le Grand Duc est le plus grand rapace nocturne d'Europe. Un plumage abondant et une grosse tête renforcent son aspect puissant.
Hormis l'homme, il ne craint aucun ennemi. C'est un super-prédateur. La liste de ses proies est très longue: chez les mammifères, elle va des mulots jusqu'aux renardeaux; chez les oiseaux, des petits passereaux jusqu'aux canards, en passant par les rapaces diurnes et nocturnes, les pigeons, corneilles, geais etc. S'ajoutent des batraciens, voire des poissons. Si la variété de ses proies est très grande, la base de sa nourriture est fournie par les rongeurs. Il a ainsi appris à exploiter, à l'occasion, les dépotoirs où rats et mulots abondants sont une aubaine facile.
© Jean-Louis CorsinSur son territoire, il ne supporte guère les autres prédateurs concurrents. Sa présence entraîne la réduction des rapaces diurnes et nocturnes, des corvidés et des petits carnassiers. Il tend à équilibrer la pression prédatrice dans la zone occupée.
L'élimination systématique dont il a été la victime dans le passé était donc stupide, au point d'aller même à l'encontre du but recherché, à savoir la protection du gibier de chasse. Cette hostilité irrationnelle a conduit au début du siècle dernier à la disparition de ce rapace dans maintes régions de France, y compris la nôtre.
Depuis une dizaine d'années des Grands Ducs ont réapparu en Lorraine. Il est très vraisemblable qu'il s'agissait à l'origine de jeunes immigrants à la recherche d'un territoire en partant d'Allemagne, en particulier du Palatinat, où de grands efforts de réintroduction de ce prestigieux et utile prédateur ont été effectués.
© Jean-Louis CorsinAujourd'hui, on estime la population en Lorraine à une quinzaine de couples. C'est une situation encore très fragile en considération de la mortalité de ces oiseaux due aux heurts avec les lignes électriques et les véhicules routiers ainsi qu'au braconnage dont ils font encore ça et là l'objet, bien qu'il s'agisse à présent d'une espèce légalement protégée.
Les connaisseurs responsables restent très discrets sur leurs sites d'implantation.. Avant et pendant la nidification surtout, cette espèce est très sensible aux dérangements. Les paparazzi de la photo naturaliste ne sont pas les moins à redouter en l'occurrence. Autrement, les Grands Ducs ne craignent pas, à bonne distance, la présence de l'homme et de ses activités.
Les aires du Grand Duc sont établies de préférence sur une corniche, sous un surplomb, d'une paroi rocheuse, aussi bien en montagne qu'en plaine où les pentes abruptes de carrières abandonnées sont susceptibles de remplacer les sites naturels. Ces rapaces somnolent volontiers au cours de la journée dans un grand arbre à proximité de leur aire.
© Jean-Louis CorsinC'est au crépuscule qu'ils entament, été et hiver, leur chasse qui se poursuit jusqu'à l'aube et ce, grâce à leurs sens de la vue et de l'ouï ultra-perfectionnés à cet effet.
A cause de sa rareté, de son isolement dans des endroits reculés et discrets, du parfait mimétisme de son plumage et de ses activités seulement nocturnes, le Grand Duc en liberté est quasi-inaccessible à l'observation de tout un chacun.
Mais bien d'autres grands de ce monde ne sont pas connus autrement qu'à travers les médias. Cela n'empêche pas qu'ils fascinent beaucoup de gens. Pourquoi devrait-il en être autrement du Grand Duc, prince de la nuit ?