Canards, cygnes, fuligules, harles, macreuses, oies et sarcelles se préparent à nidifier dans leurs aires de reproduction respectives souvent très lointaines. Bien qu'étalés, ces mouvements migratoires prénuptiaux se déroulent sur une période plus courte que la migration d'automne, davantage échelonnée et décalée selon les espèces.
Mars et avril constituent la période la plus active de la migration printanière des anatidés. De façon conventionnelle, on peut distinguer alors les hivernants qui venant du Nord et de l'Est ont stationné sur nos étangs pour y passer la mauvaise saison et les migrateurs au long cours qui, de retour d'Europe du Sud et d'Afrique, font une halte de repos et de nourriture sur nos plans d'eau avant de poursuivre leur route. Les deux catégories forment ce va- et- vient spectaculaire qui anime nos étangs à cette époque.
Dans la plupart des cas les distances à parcourir sont considérables. Par exemple, les Cygnes de Bewick et les Oies rieuses vont nicher dans la toundra arctique ; les Canards pilet, les Canards siffleur et les Harles bièvres en Scandinavie et dans le Nord de la Russie ; les Sarcelles d'été dans la taïga scandinave et russe.
Des centaines et des milliers de km sont souvent au programme et exigent donc des dépenses d'énergie considérables. En effet, les battements d'ailes en vol consommeraient 10 fois plus de «carburant» que la locomotion terrestre ou aquatique !
Par conséquent, il est indispensable que ces oiseaux emmagasinent au préalable un maximum de graisse. Les oies s'y consacrent fort pendant leur hivernage. Ceci leur permet de se reproduire très rapidement quand ils retrouvent leurs sites de nidification en pouvant de la sorte assurer la production des œufs qui demande aussi un supplément de vigueur. Les spécialistes appellent ces espèces des «reproducteurs sur capital» par opposition aux canards qui seraient des «reproducteurs sur revenus»
En raison du rapport bien moindre entre la surface portante des ailes et le poids (appelé charge alaire) les canards ne doivent pas s'alourdir en se chargeant de trop de graisse avant leur départ. Arrivés sur leurs zones de nidification, les canes sont donc obligées de s'alimenter activement au préalable afin de réussir une ponte.
De façon générale, le temps d'alimentation augmente à mesure que les oiseaux approchent de la période de reproduction. Alors que beaucoup d'oiseaux aquatiques se nourrissent surtout la nuit en hiver, leurs besoins accrus les conduisent par la suite à s'alimenter davantage pendant la journée. De même, le menu change à ce moment. Les canards herbivores ou granivores pour l'essentiel consomment alors de plus en plus des proies invertébrées riches en protéines qui constituent ensuite le régime principal des oisillons.
Les couples d'anatidés se forment déjà tôt en hiver, voire en automne comme chez les Canards colverts. Néanmoins, des appariements ont encore lieu plus tard. Ces liaisons décalées font l'objet au préalable de tentatives de séduction des mâles célibataires qui se traduisent par des rituels bizarres. Ils se manifestent par diverses postures pour mettre en valeur les zones les plus colorées du plumage. De même que les écartements d'ailes, les étalements de la queue, les rejets de la tête en arrière le bec pointé vers le ciel, les mouvements de danse etc. font partie des caractères sexuels secondaires propres aux oiseaux en général.
Ces exhibitions saisonnières sont très captivantes à observer. En raison de la taille significative des sujets et du milieu dégagé qu'ils fréquentent, celles des oiseaux aquatiques sont assez faciles à suivre lorsqu'on veut bien se donner la peine, ou plutôt le plaisir, de se promener sur les bords accessibles et autorisés de nos nombreux étangs au cours de la période propice.