Lorsqu'on traverse la campagne à cette époque, il n'est pas rare d'apercevoir dans les champs dénudés des groupes de Vanneaux huppés au repos ou trottinant à la recherche de leur nourriture. Le dessous blanc pur de leur robe, leur taille proche d'une tourterelle et leurs fréquentes émissions sonores : pievouît, piii-îh, vih-vih, les rendent facilement repérables. Ils se tiennent toujours à découvert et leur huppe habituellement dressée les identifie sans peine, même si, vue de loin, la beauté de leur livrée n'apparaît pas entièrement. Il en est ainsi de leur dessus brun-noir à reflets verts et pourpres, du plastron noir-rouille, des cotés de la tête blancs avec une bride noire en arrière de l'oeil.
En se nourrissant, à terre exclusivement, d'insectes, de larves, d'araignées, de mollusques et surtout de vers pendant la mauvaise saison, ils avancent par séries de pas pressés entrecoupées d'arrêts brusques. Leurs pieds ne s'élèvent pas à plus de 2 cm du sol et leurs doigts restent écartés. Ils ont donc bien du mal à se déplacer dans une végétation élevée et drue. Ils sont inféodés aux plaines et plateaux à végétation rase ou clairsemée avec une prédilection pour les zones humides. Au milieu du siècle dernier, ils ont adopté les champs moissonnés ou labourés. C'est la seule espèce de la grande famille des limicoles qui a réussi à s'approprier un nouvel habitat.
Vol de vanneaux © Jules FouargeToujours à découvert, les vanneaux huppés sont très exposés aux prédateurs naturels : renards, faucons pèlerin, autours, etc.
Deux moyens de défense les protègent. En toute saison ils vivent en société de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d'individus. « L'union fait la force » La vigilance à plusieurs est plus efficace. D'autre part, la forme large et arrondie de leurs ailes leur confère une capacité de manoeuvre inouïe en vol ; les changements de trajectoire peuvent être exécutés à une folle cadence. Cette faculté n'est pas à la portée du Faucon pèlerin comme le vol rectiligne du Pigeon ramier ou même celui très rapide de l'hirondelle.
La plupart des Vanneaux huppés qui fréquentent notre région sont des migrateurs. A la fin de l'été ils partent de leurs sites de nidification en Europe Centrale et de l'Est pour se rendre dans l'Ouest et le Sud : Iles britanniques, France atlantique, Péninsule ibérique, Maghreb. Certains de ces oiseaux passent l'hiver chez nous, s'il n'apporte pas de neige et de gel durables. Ce sont donc les pèlerins que nous voyons communément en nombre, posés ou volant en nuées scintillantes et bruyantes. Cependant, des petites populations nichent dans notre département, notamment dans les prairies humides autour des étangs du Saulnois et dans la vallée de la Seille.
© René DumoulinInfiniment moins nombreux qu'au cours des grands exodes de l'espèce, ces oiseaux restent alors communément inaperçus. Pourtant, c'est lors de leurs parades nuptiales que les mâles démontrent pleinement leur extraordinaire et fascinant talent d'acrobates aériens, alternant battements lents et accélérations foudroyantes, ascensions verticales et piqués kamikazes, loopings, bascules et pivotements instantanés. Aucune autre espèce de notre continent ne peut enchaîner à cette vitesse et avec autant de grâce des figures aussi variées et extravagantes.
A partir des années 1950, l'extension des cultures fit reculer massivement les herbages. L'oiseau noir et blanc aux reflets pourpres a su alors se déployer sur les terres ensemencées.
Ses effectifs sédentaires dans nos régions ont ainsi pu augmenter sensiblement. Mais un déclin s'est amorcé dans les années 80 et se poursuit. Les drainages à grande échelle des zones humides, l'emploi immodéré des pesticides, les passages répétés des engins agricoles, la prédation des oeufs par les corneilles et autres corvidés en expansion, sont les principales causes de ce recul. De plus le taux de reproduction dans les champs cultivés reste bien inférieur à celui dans les herbages qui constituent toujours l'habitat optimal de l'espèce. Ces tendances défavorables sont quelque peu corrigées par « l'espérance de vie » de ces oiseaux, leur longévité pouvant atteindre vingt ans.
Au cours de vos prochains déplacements en zones rurales, restez attentifs à la présence de ces beaux oiseaux. Ils apportent opportunément une animation colorée et sonore qui tranche sur la prestation des corbeaux et corneilles dont l'habit de deuil ne fait qu'accentuer, en ces temps, la tristesse des espaces dépouillés.