Les sarcelles, les plus petits de nos canards, sont bien loin de manquer d’attrait et de charme.
De par le monde, les espèces sont nombreuses, et l’on peut citer, au hasard, la sarcelle élégante, la Sarcelle marbrée ou la Sarcelle à ailes vertes.
Dans notre cher hexagone, nous sommes, sauf extraordinaire, limités à deux espèces cousines : la sarcelle d’hiver et la sarcelle d’été.
Une par saison dirions-nous.
Tout semble les séparer.
L’une hiverne très régulièrement en France ; l’autre se tient de préférence en Afrique, du Sénégal (et son célébrissime Parc du Djoudj) au Niger. A l’époque des nids, toutes deux regagnent le centre et l’est de l’Europe.
Les nicheurs sont plutôt rares chez nous puisque ni l’une ni l’autre ne dépasse les 500 couples.
Parlons un peu de timbre, ou de voix si vous aimez mieux.
Il y a de (trop) nombreuses années, j’ai entendu vers la fin du crépuscule des concerts de clochettes aux notes cristallines ; on ne pouvait le voir, mais je savais que c’était Edouard (un petit nom amical que je lui ai donné) et ses copains qui rentraient au marais, leur restaurant, après avoir sagement passé la journée dans la sécurité côtière.
Le canard de mars (Querquedula) est bien connu pour sa voix de crécelle.
Lorsqu’un vol d’une douzaine d’oiseaux vous survole au marais, il fait entendre une partition différente, dans des octaves plus basses.
D’une manière générale, je l’ai trouvé moins bavard que son cousin.
Quant au physique, quelques dizaines de grammes peuvent les séparer.
C’est secondaire eu égard à leur beauté.
Quel est donc le plus beau ?
D’un côté, une tête de velours marron dont la beauté princière est soulignée par une belle virgule verte.Ca ne manque pas d’allure ! De l’autre, chez la sarcelle d’été, la virgule est blanche et décore bien opportunément la belle tête de couleur vineuse.
Mais ce n’est sans doute pas son atout le plus précieux.
De splendides scapulaires rehaussent la beauté de ses flancs et seul le Canard pilet pourrait soutenir la comparaison à cet égard.
Elles se croisent et se rencontrent avec d’importantes différences.
La sarcelle d’hiver est un hivernant régulier en France, tandis que la sarcelle d’été peut être qualifiée d’oiseau de passage car si elle n’hiverne pas, elle ne niche pas (ou si peu) non plus.
On peut la rencontrer parfois dès février, toute étonnée de se poser sur la glace, mais surtout en mars ou avril, parfois jusqu’en mai.
Il s’agit de petits canards à propos desquels le monde scientifique a, pour la première fois, admis l’existence de jeux ; j’ai pu, pour ma part, observer ce comportement de nombreuses fois chez la sarcelle d’hiver.
Ces jeux collectifs sont charmants.
A l’occasion des plongeons ou des envols on voit, le sourire aux lèvres, jaillir l’eau en forme de vagues argentines.
Si elles ne brillent pas par l’importance de leur reproduction dans l’hexagone, nos sarcelles, copiant en cela de nombreuses autres espèces faiblement reproductrices, s’adonnent dès février à leurs parades.
Il s’agit visiblement d’un jeu qui prend rarement l’apparence d’un combat.
C’est « la danse des canards » à certains moments pendant lesquels, sans se combattre, les mâles se pourchassent, et nous offrent des sortes de ballets.
Puis ils prennent des postures montrant leur élégance et leur détermination : la sarcelle d’hiver se montre aisément volontaire pour se faire grande après avoir salué sa partenaire éventuelle.
Sa cousine l’imite un peu tout en restant le seul des canards capable de maîtriser cette attitude.
Elle fait semblant de boire et pose sa tête sur le dos.
Puis, elle prend la parole de telle façon que seule une autre sarcelle peut comprendre ce qu’elle veut dire.
N’oublions pas toutefois qu’il s’agit d’actes de séduction. Quand bien même il est souvent trop tôt, en assiste, parfois, avec un grand étonnement, à un accouplement.
Chacun sait que dans le monde des Anséridés, l’accouplement est forcé.
Passons, je vous en prie, sur ces mœurs discutables, pour ne penser qu’aux futurs canetons porteurs de rêves et d’espoirs.