C’est quoi un oiseau, M’sieur ?
Question d’enfant, question terrible.
Elle a embarrassé même un ami, pourtant redoutable ornithologue et pédagogue aussi.
Mais il faut toujours dire la vérité aux enfants, n’est-ce pas ?
Alors, il ne reste plus qu’à la chercher.
Un oiseau est un petit être qui possède deux ailes, deux pattes, deux yeux, un bec, et qui passe le plus clair de son temps à manger.
Mais il est bien d’autres choses encore pour ceux qui l’aiment.
Ces amis charmants nous font courir, ils nous font lever très tôt et nous coucher bien tard.
Jamais lassés de leur compagnie, nous passons des heures nombreuses au marais, sur les plages, en forêt, en montagne ou en plaine.
Certains essaient aussi de les photographier. Difficile exercice qui exige une patience d’ange et de bonnes connaissances.
Ces souvenirs sont précieux, mais pour les immortaliser, il faut d’abord apprendre.
La récompense est rare mais n’en prend que plus de valeur à nos yeux.
Les oiseaux sont de bons professeurs.
Ils nous font rêver et nous enseignent les valeurs de la vie.
Quand la nuit est tombée ou alors, en hiver, lorsque le mauvais temps nous vole le soleil, on songe.
Que faire d’autre comme disait le lièvre de Jean de La Fontaine ?
Les yeux se ferment peu à peu….
On voit de vastes étendues sauvages, des montagnes des vallées, des déserts et de vastes océans.
Car l’oiseau nous a parlé de Grands Voyages.
Ces vols sauvages forcent l’admiration. Le vent hostile freine leur ailes, si petites face à l’immensité.
Ils reculent, affaiblis. Ils régressent même, abdiquent enfin et vont se reposer pour mieux vaincre, aux première lueurs de l’aube, ces montagnes infranchissables.
La migration est de nos jours assez bien connue.
Mais on rêve encore de ces mystérieux voyages, heureusement entourés encore de quelques petites incertitudes. Dans ce marais si bien connu, on voit, les yeux fermés, ces terres d’Islande que les Cygnes chanteurs ont quitté à la fin de l’été pour nous apporter la beauté.
L’oiseau nous enseigne le courage aussi.
Le Guêpier en est le symbole. Touché au plus profond de son être par un printemps cruel, isolé, lui qui niche en colonies et tire sa bonne humeur de la compagnie de ses congénères, il persiste, reste fidèle à sa mission.
Il a froid, se trouve seul, ce couple qui peine à trouver les rares insectes nécessaires à sa vie. Mais il est solidaire, volontaire et sait ce que signifient les milliers de kilomètres qu’il a parcouru voici quelques semaines.
Envers et contre tout, il fait naître ses enfants, les nourrit, les élève. Ces petites voix qui s’élèvent des entrailles de la terre à la fin de juillet sont une récompense de la vie. Pour lui d’abord, c’est évident, mais aussi pour son ami qui ne vivra jamais assez longtemps pour oublier de pareils instants.
L’oiseau est professeur de beauté.
Du rapace à l’envol au canard prenant son bain les exemples sont innombrables.
Plus encore, peut-être, l’oiseau nous apprend à lire et à écrire.
Il faut le connaître pour le photographier disions-nous.
Ceux qui s’intéressent sincèrement à lui lisent beaucoup et découvrent leur propre culture.
Le chemin passe par des guides d’identification, mais aussi par des monographies remarquables et d’autres ouvrages encore, en un mot indispensables.
Quand on a appris des autres, la passion pousse à écrire à son tour pour transmettre à d’autres encore cet amour irréductible.
C’est une nouvelle découverte. A qui veut bien faire l’effort, s’ouvrent l’étymologie, les légendes, les auteurs et leurs Suvres, ignorées ou oubliées.
Chacun apprend à mieux connaître sa propre langue, ciment de tous les peuples.
Il est temps de répondre à l’enfant.
Voici ce que tu dois savoir.
Un oiseau, c’est un rêve, un témoignage de cette beauté qui pourrait nous quitter, un professeur de science, un professeur de langues, un témoin des valeurs, du courage, de la fidélité, un porteur de mystères.
C’est un être charmant que tu vas aimer. Et, nous tous, plus âgés, comptons sur toi pour que tu le défendes car hélas, il est aujourd’hui menacé.