Une mouette miniature fait la toupie dans l’eau claire. Cette mouette est bien petite car sa taille et son poids ne dépassent guère celle d’un Bécasseau variable.Ses mouvements sont vifs et il est difficile de les suivre. Quelle énergie ! Un plumage aux dominantes blanches mêlées d’un gris tendre sur le dos et d’un peu de noir sur les caudales font penser, en effet, à la mouette. Quel est donc cet oiseau ?
C’est un visiteur rare en France, un oiseau accidentel que l’on a de toutes petites chances de croiser à l’automne, en hiver, plus exceptionnellement encore au printemps. Un oiseau qui a tout pour nous surprendre. Comment fait-il pour flotter ainsi tel un bouchon ? Ses pattes festonnées, comparables dans une certaine mesure à celle des grèbes ou de la Foulque macroule, lui confèrent une maîtrise de l’eau bien supérieure à la moyenne. Mais qui est-il enfin ? C’est un limicole d’un genre très spécial. Les limicoles aiment la boue, on le sait, et c’est du reste l’origine latine de leur appellation. Ils affectionnent logiquement les marais, les estuaires…Notre ami s’appelle Phalarope. Première surprise ! C’est un oiseau pélagique qui fréquente d’ordinaire la haute mer et ne pose généralement les pattes sur la terre ferme que pour les besoins de sa reproduction. C’est un grand migrateur conduit par son cycle annuel du haut arctique au sud de l’Afrique. Saluons au passage ces remarquables performances pour un oiseau dont le poids ne dépasse pas souvent les 60 grammes. Ce poids nous vaut d’ailleurs la chance de le voir parfois car les tempêtes le drossent parfois vers nos côtes où il se repose quelques jours contrairement à son plan de vol. Contrairement à l’habitude, la dame est plus grande et plus colorée que le mâle. Relativement, bien sûr, car les couleurs moins vives chez Monsieur ne sont finalement pas si discrètes, ni si humbles. Si l’on compare un couple de pies grièches à un couple de Phalaropes, la différence saute aux yeux.
La nature vous joue parfois de ces tours…Plus surprenant encore, le rôle de chacun dans la construction d’une famille.Loin des parades nuptiales auxquelles nous sommes habitués, ce sont ici les dames qui se battent entre elles pour conquérir le père de leurs enfants. Mieux encore, si le mâle convoité est déjà en charge de famille, il repousse sans ambages de la femelle qui se pavane, torse bombé. Ces dames sont volages, infidèles pour tout dire, et n’hésitent pas un instant à courir le guilledou, courtisant un autre mâle pour aller pondre 4 Sufs de plus dans un nid nouveau. Cette ardeur amoureuse demande une grande énergie, et il n’est rien d’étonnant à ce que ces courtisanes endiablées ne puissent pas, pour la suite, assurer comme il convient leur rôle de mères.
Surprise à tous les étages !
Seul le mâle est pourvu des plaques incubatrices à défaut desquelles le moindre oisillon ne saurait voir le jour. Papa choisit l’emplacement du nid et en assure la garniture. Au dernier oeuf pondu la dame s’éclipse, appelée sûrement par d’autres aventures. Son - conjoint -, si l’on peut dire, se charge du reste, et couve sans relâche pendant 19 jours avant de conduire ses enfants nidifuges vers leur indépendance. Rien ne le différencie tellement de son proche cousin le Phalarope à bec étroit si ce ne sont les territoires de nidification, plus nordiques, encore, pour ce dernier. Et, bien entendu le bec, plus étroit, comme son nom l’indique. Le rarissime Phalarope de Wilson serait, selon certains auteurs, génétiquement différent et plus proche de la famille des chevaliers.
Oiseaux du Haut Arctique, les phalaropes se nourrissent de larves, d’insectes et de débris végétaux. Ils affectionnent la compagnie des baleines à bosses avec lesquelles ils passent d’agréables moments dans la mer de Béring. Les cétacés fourragent le sol, à la recherche de plancton et font ainsi remonter à la surface d’abondantes quantités de débris dont l’oiseau se régale. Oiseaux du froid qui aiment la chaleur quand vient l’hiver ; grands migrateurs qui ne fréquentent la terre que pour y faire des enfants, une famille aux rôles inversés, les Phalaropes ont tout, vraiment, pour nous surprendre et nous étonner.
Avec mes remerciements à mon ami Stéphane.