Au XXème siècle on appelait encore cet oiseau remarquable Chevalier Combattant. Les recherches phylogéniques ultérieures ont conduit à le classer parmi les bécasseaux dont il semble plus proche physiologiquement.
Il a tout pour nous surprendre.
C’est, à présent, le Combattant varié.
Sensiblement de la même taille que le Chevalier gambette, désormais un vague cousin, il est cependant plus grand, à tout le moins plus lourd puisque le mâle atteint le poids moyen de 190 grammes, à comparer aux 130 grammes du cousin précité. Son bec est plus court et ses pattes plus longues. Un bec de bécasseau, ou presque, dont la couleur varie aussi, de même que celles des pattes qui peuvent aller du plus vif orangé au gris à peine teinté de jaune.
Sa première particularité, le premier étonnement vient du temps des amours.
Pendant la période de reproduction, oiseau de lek, à l’instar du célèbre Tétras lyre, le Combattant fréquente avec assiduité, pour ne pas dire obstination, des arènes, place de joutes voire de combats entre mâles.
Il s’agit de places où l’herbe est rase, d’une superficie allant de 50 à 70 m2, sur lesquelles ces Messieurs s’affrontent, toutes griffes tendues, allant parfois jusqu’à provoquer de petits saignements chez l’adversaire le moins vif.
Qu’on creuse une route coupant le lek en deux, l’oiseau ne s’en incommode pas et vient renouveler ses batailles ancestrales juste au bord du bitume.
N’abusons pas, tout de même.
Les femelles se font discrètes sur ces lieux d’affrontement quand bien même un jeune mâle encore timide parvient de temps à autre à profiter de la circonstance pour s’accoupler.
Les parades sont très spectaculaires, avec ces fleurs à plumes, tantôt noires, parfois jaunes, voire blanches en certains cas, qui s’agitent avec élégance et s’envolent juste ce qu’il faut pour provoquer l’admiration.
Au pays des Combattants, la fidélité n’est pas de mise. Chaque mâle s’accouple avec plusieurs femelles et la Dame lui rend vite la monnaie de sa pièce en se montrant polyandre et tout aussi volage.
La solidarité n’est pas inscrite non plus dans leurs habitudes.
Ces Dames s’éclipsent assez tôt pour gagner des zones assez éloignées des leks où elles vont construire un nid plutôt ascétique, une simple dépression modestement garnie de feuilles et de quelques plumes.
Elles y pondront 3 ou 4 œufs verts olive, puis les couveront pendant trois bonnes semaines sans la moindre contribution du père qui s’en désintéresse totalement.
Les petits nidifuges seront nourris seulement lors de leurs premiers jours et prendront leur premier envol à l’âge d’un mois. Il leur faudra attendre l’âge de deux ans avant de fonder leur propre foyer.
Le second sujet d’étonnement est sans nul doute ce plumage aux couleurs si riches, si différentes, une variété unique chez les limicoles.
Les oreillons et la collerette sont érectiles, s’hérissant lors des fortes émotions, provoquées soit par la nécessité de combattre soit par l’imminence d’un appariement.
Nous sommes en présence de deux oiseaux très différents au printemps et à l’automne. Dans les deux cas, la mue est spectaculaire.
Les immatures, quant à eux, s’ils ressemblent fortement à la femelle, s’en démarquent par des couvertures plus colorées, contrastées qui prennent l’aspect d’écailles, à la façon du Bécasseau maubèche.
Rares sont ceux qui peuvent avoir le privilège d’être témoins de cette métamorphose.
Il faut dire en préalable que cet oiseau est d’occurrence rare en France.
Le nombre de couples nicheurs sur notre territoire est inférieur à 5 depuis quelques années.
Ses fiefs sont nordiques avec plus de 40 000 couples en Suède, sans oublier la Norvège et son célèbre Varanger (environ 15 000 couples) et bien entendu la Russie qui compte plus de 250 000 couples reproducteurs en moyenne.
Nos affaires ne sont guère plus prospères au stade de l’hivernage car ce sont quelques petites centaines d’oiseaux qui s’attardent chez nous, principalement sur la frange atlantique.
Le Combattant passe l’hiver plus au Sud, à raison de quelques oiseaux sur les côtes de l’Ouest de l’Europe et de la Méditerranée.
C’est un hivernant qui privilégie l’Afrique subsaharienne.
Migrant en grandes troupes, fortes, souvent de quelques milliers d’oiseaux, notre oiseau effectue son voyage pré nuptial de mars à la mi-mai, tandis que la migration d’automne s’échelonne de la fin juin, pour les femelles suivies le mois suivant par les mâles, au mois d’août pour les immatures.
Qui veut être témoin de ses magnifiques parades nuptiales devra donc voyager.