La fin de mars approche… Ce matin, au marais, un rouge gorge trottine, familier, comme toujours. Mais que fais-tu l'ami ? Voici que tu descends au bord de ce petit ruisseau… Les pattes dans l'eau, et caché dans les herbes, courant vite, si vite. C'est étrange… Serait-ce lui ? On en rêve, mais ce rêve devient réalité. Un peu tôt, peut-être, mais ça n'est pas si sûr, la Gorge bleue est là.
La, c'est-à-dire le, car c'est un joli mâle. Attendu, Ô combien espéré, il nous est revenu. Dès lors qu'il est arrivé d'Afrique, il n'a pas de temps à perdre. Très vite, il se pose sur les plus hautes branches des buissons assez bas. La tête vers le ciel et la queue relevée, il chante. Il marque son territoire. Lors de ses promenades, son miroir brille. Il brille tellement que nul ne pourrait le manquer; une lumière, un reflet de carreau, plus dense que le soleil. On est impressionné, fasciné.
Les femelles ne sont pas encore là. Elles arriveront dans une bonne dizaine de jours. Son chant est émouvant, poignant, pour qui aime le voir, donc l'entendre. Aisément repérable, il contient des surprises. Car Monsieur est un imitateur fort doué. Pouillots, Hirondelles, Mésanges ou bien fauvettes…On a cité le cas d'un mâle qui, en 3 heures, avait imité le chant de 35 espèces différentes. Dés l'aube, il entonne son pot pourri; de temps à autre, entre deux chamailleries, il s'envole pour un bref parcours, puis se laisse descendre en parachute, les ailes et la queue étalées. Formidable spectacle dont il nous gratifie. Et pourtant…C'est la discrétion même. Sa vie se passe à terre, près de la boue saumâtre, enfouie sous les herbes de son milieu de marécages. Il faut citer ici Paul Géroudet : " Avouons que la gorge bleue est fort peu connue. Même l'ornithologiste ne voit souvent qu'un petit passereau s'envolant de la végétation devant lui; l'oiseau part horizontalement au ras des herbes, très vite, et disparaît quelques mètres plus loin, laissant à peine le temps de remarquer la queue rousse et noire."Nul, autre que lui, ne saurait mieux dire. La femelle est encore plus douée de l'art de la dissimulation. Il est rare de la voir. Moments très fugitifs. Il n'est pas si fréquent de voir l'un, encore moins l'autre à terre, en quête de nourriture. C'est le cadeau qu'il réserve à l'observateur patient, ou…chanceux.
Extrême paradoxe, ce merveilleux oiseau, se montre parfois peu farouche, indifférent, ou presque, à tout ce qui l'entoure. Lors des parades nuptiales, bien évidemment. En ces instants privilégiés, il est assez facile de le voir; de l'admirer pour dire vrai. Il montre ses plus beaux atours, fait cadeau de son chant. Cadeau exceptionnel…Ses rectrices !
La gorge bleue est une espèce paléarctique, à très vaste répartition géographique. Trois sous-espèces concernent la France. La forme nominale (Luscinia svecica), à miroir roux, traverse notre pays au cours de sa migration et va nicher en Scandinavie. Luscinia svecica cyanecula, à miroir blanc, se reproduit en Europe du nord et en France. Ses cantons sont l'Alsace, la Lorraine, les vallées du Doubs et du Rhône, ou encore le Jura, l'Ain, l'Isère. Elle colonise plus intensément le Nord, la Somme, le Pas de Calais, l'Oise et l'estuaire de la Seine. Oiseau du littoral atlantique, Luscinia svecica namnetum (à miroir blanc, elle aussi), de loin la plus fréquente, occupe la frange allant de la Gironde au Golfe du Morbihan. Les deux sous espèces nicheuses qui nous concernent sont dans une phase d'expansion. Adepte des zones humides, la gorge bleue de Nantes est cependant menacée par la raréfaction de ses habitats due à l'agriculture extensive. Sa conquête de nouveaux territoires est un peu rassurante, car on l'a vue s'installer dans des milieux plus secs, comme des champs cultivés. Les marais salants de Guérande, en Loire Atlantique demeurent le principal foyer de reproduction avec 600 à 800 couples pour un effectif reproducteur de l'ordre de 3000 couples sur le sol français. Après l'époque des parades, et l'accouplement, Madame construit seule le nid, au sol, dans une petite dépression proche de l'eau, au coeur d'une touffe de graminées ou de roseaux. Deux pontes sont effectuées, en général. La première entre le 15 et le 30 avril, la seconde entre le 15 et le 31 mai.
Comment faire aussi pour ne pas penser que baguage et marquage signifient capture, puis reprise, autre capture, et peut-être une autre capture encore…Des stress très flagrants, répétitifs, des blessures parfois, des fractures…. Quand bien même ceci n'est qu'un modeste épilogue, nous n'épiloguerons pas. Mais il semble qu'un peu plus de modération serait, sans doute, de bon aloi. N'en soit pas trop soucieux, Cher Rossignol de Suède ! Ne songe pas à l'humain, ni à ses turpitudes. Ne pense qu'à la vie.Et continue à chanter, s'il te plait.