Guêpier d'Europe © Jean-Louis Corsin
Nos nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs qui se reproduisent en Europe, mais hivernent durant de longs mois en Afrique sont-elles à considérer comme européennes ou africaines ?
Les spécialistes s'accordent à penser que nos oiseaux nicheurs sont bien des européens en ne prenant en considération que les deux derniers millions d'années de leur existence sur terre.
Jacques Blondel, Directeur de recherches émérite au CNRS, note que - le nombre d'espèces en Europe qui ont d'étroites affinités avec les faunes afro-tropicales est virtuellement nul - Loriots, guêpiers, rolliers et martins pêcheurs sont les rares oiseaux se reproduisant sur notre continent dont le plumage chamarré et lumineux apparaît semblable à celui de la plupart des espèces de l'avifaune africaine. Que les hérons gardes-bœufs soit tant considérés comme un cas exceptionnel d'immigration, conforterait la thèse qui prévaut s'agissant de cette échelle du temps. Ces échassiers, dont l'origine africaine est certaine, ont successivement colonisé l'Afrique du Nord, l'Espagne et la Camargue vers 1960. A présent, ils s'y reproduisent en nombre et de plus y sont sédentaires.
Héron garde-boeufs © Gilbert Blaising
Mis à part cette exception contemporaine d'une espèce non échappée de captivité, pourquoi les oiseaux dont le berceau est l'Afrique depuis de millénaires, auraient-ils pris le risque et auraient-ils fait l'énorme effort de traverser désert, montagnes et mer ? Et ce, alors qu' ils bénéficiaient d'une nourriture suffisante toute l'année, à la faveur de quelques déplacements locaux.
Les obstacles géographiques transversaux, en particulier le Sahara, ont - convaincus - les africains de renoncer à la manne alimentaire d'insectes qu'offrent les diverses régions de l'Europe pendant le printemps et l'été. Il est certes établi que les grandes barrières désertiques ont été moins arides pendant les périodes glaciaires, mais, on sait aussi qu'elles ne furent jamais assez boisées pour faciliter réellement leur traversée par la faune.
Que les handicaps géographiques étaient et sont rédhibitoires à l'immigration ou la migration des espèces d'Afrique est confirmé par la configuration contraire en Amérique du Nord. Comme il n'existe pas de barrières significatives orientées d'Ouest en Est sur le continent américain entre les régions tropicales et les contrées septentrionales tempérées, une grande partie de l'avifaune y est d'origine tropicale. Des colibris nichent jusqu'au Québec. Les trois quarts des passereaux actuels d'Amérique du Nord sont représentés sous le tropiques par des congénères.
Cependant, les oiseaux européens insectivores et migrateurs transsahariens persistent à gagner l'Afrique tropicale en dépit des aléas et des difficultés à surmonter à l'aller et au retour. La réduction drastique du nombre d'insectes qui se produit en Europe pendant la - mauvaise saison - ne laisse aucun autre choix à la plupart de ces populations d'oiseaux entomophages. De plus, le déclenchement et les modalités des migrations au long cours sont inscrits dans les patrimoines génétiques depuis moult milliers d'années. Ce n'est donc que lentement qu'ils pourront s'adapter aux effets annoncés du changement climatique ainsi qu'à la diminution et à l'altération en cours de leurs sites d'hivernage par désertification, déboisements etc..
Quelque soit l'origine continentale des plus lointains ancêtres de nos oiseux migrateurs actuels, il est de bon sens, voire légitime, de considérer ces derniers comme européens, puisqu'ils naissent en Europe depuis des temps immémoriaux.