(pour qu'il la raconte à leurs parents)
Au cours d'un récent voyage au Sénégal, je suis tombé par hasard, au bord d'un marigot, sur l'assemblée générale, en plein air, du club des oiseaux lorrains expatriés. Après avoir montré ma carte d'identité prouvant mon domicile et celle d'adhérent à la L.P.O. assurant ma sympathie, ils m'ont accepté comme auditeur libre en leur milieu. Que n'ai-je entendu de récriminations !
La Huppe fasciée disait qu'étant de moins en moins nombreuses de son espèce en ces contrées de Lorraine, elle avait de plus en plus de difficultés à trouver un partenaire pour ses noces annuelles, car analphabète, elle n'avait pas accès aux petites annonces. Le Busard cendré se plaignait du manque de nourriture dans les vastes champs de céréales aseptisés qu'il a dû squatter après la destruction de ses marais, la Rousserolle turdoïde déclarant ne plus savoir à quelle roselière se vouer et la Fauvette babillarde ( qui, comme tout le monde sait, a la langue bien pendue) protestant au nom de l'important groupe parlementaire des passereaux, contre la disparition dramatique et incompréhensible des haies.
Chaque fois, l'ignorance et les mauvaises actions des hommes, avec lesquels ils ne demandaient pourtant qu'à s'entendre, étaient en accusation. Mais quel mal, disaient-ils, nous leur faisons donc pour récolter tant d'indifférence à notre sort. Ce n'est pourtant pas de vouloir les distraire par nos vocalises éperdues, ni de leur prêter main forte pour les débarrasser des insectes nuisibles à leurs productions. Dans les rangs des étourneaux et des cormorans, on observait à ce moment, un silence gêné.
Néanmoins quelque voix se sont élevées avec courage - il en fallait beaucoup en l'occurrence - pour prendre la défense des accusés. Un Milan royal, qui a les moyens, vu son rang, de se faire expédier le "R.L." dans ces contrées lointaines, constatait haut et fort que dans son journal on défendait régulièrement la cause des oiseaux ; un rouge-queue noir disait que son hôte, M. Martin, avait prévu pour lui dans son jardin une solide maisonnette pour abriter le fruit de ses amours ; un gobe-mouche gris que le petit Kevin avait dissuadé ses parents, les Meyer, de couper le grand arbre au fond du jardin où de retour d'Afrique, il trouvait un havre à sa convenance ; un Torcol fourmilier louait les efforts d'un groupe de bénévoles d'Ancy sur Moselle pour restaurer des vieux vergers et les canards ainsi que les limicoles unanimes ne tarissaient pas d'éloges sur le Conseil Général de Moselle de leur avoir consacré, en même temps qu'aux poissons, l'exclusivité si bienfaisante des étangs du Domaine du Lindre.
Il fallait constater toute fois que dans ce concert discordant, les plaintes et le désespoir l'emportaient largement. Il n'est donc pas étonnant, que les oiseaux se soient tous mis d'accord- une fois n'est pas coutume en politique- sur une motion finale à l'adresse des Lorrains ( mais dont les droit de reproduction ont déjà été demandé par plusieurs syndicats d'oiseaux d'autres régions) qui se termine ainsi : "Nos ancêtres occupaient la Terre des millions d'années avant les hommes. Malgré leur arrivée tardive, nous n'avons pourtant jamais contesté leur règne et même admis qu'ils amputent nos territoires pour pouvoir manger à leur faim. Maintenant qu'ils produisent des surplus, qu'ils sont repus et même suralimentés, nous les implorons solennellement de nous laisser, comme co-locataires seulement, les divers habitats restants qui sont nécessaires à notre survie. Qu'ils veuillent bien méditer la phrase suivante d'un des leurs, du nom de Saint-Exupéry : "Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants"